Aquoi ça tient, une envie de pastrami ? A une rediffusion, tard le soir, de Quand Harry rencontre Sally et de sa cultissime scène d’orgasme simulé au beau milieu de ce temple du pastrami qu’est le Katz’s Deli, un des plus fameux repaires de nourritures juives ashkénazes à New York. On a tous en tête un rogaton de nostalgie accroché à une bluette. Petit casse-croûte doux-amer qui ne demande qu’à mijoter dans un court-bouillon de souvenirs et de rediffusions. Alors l’autre matin, on a pris le dur pour l’Alsace et nous est revenu le goût du pickelfleisch, une version judéo-alsacienne du pastrami découvert un soir de grand vent et de Picon bière, il y a un siècle, à la brasserie de la Victoire, à Strasbourg.
Faut dire que question ravigotage alsaco-papillaire, on a rendez-vous avec un orfèvre du jambon fumé, de la tourte vigneronne et des fleischnackas (escargots en alsacien), ces drôles de roulés de viande de pot-au-feu et de pâte à nouilles que Jacques Geismar, 56 ans (1), prépare dans son antre biscornu du centre de Turckheim. Ça fait plus de deux siècles que les Geismar se sont posés dans cette bonbonnière avec ses maisons à colombages et ses vignes qui viennent lécher l'ancien mur d'enceinte. Au 21, Grand-Rue, sur la façade vieux rose et bleu, c'est écrit en lettres soignées : «Chez Gasti, maître boucher depuis 1784.»
Bestiaux. L'histoire des Geismar est emblématique de ces familles juives ashkénazes ballottées par les soubresauts de l