C'était devenu un rituel. Quand le soleil déclinait sur les canaux de Sète, on cherchait l'écailler déniché le premier jour. Un jeune gars sympathique, aux très belles bouzigues, aux crevettes sauvages, aux moules marinées légèrement amères, aux murex, coquillages pointus au fin goût de noisette. La première fois, polis, on s'était contentés de verres de blanc du bistrot d'à côté, qui prêtait sa terrasse. «Du chardonnay», a précisé le garçon, se voulant rassurant. Il faudrait parfois éditer des guides à usage des locaux plus que des visiteurs. Comment peut-on vivre dans une région qui produit quelques vins justes, faits pour manger des huîtres, et aller chercher du chardonnay si mal à l'aise en terres chaudes ? Mais bon.
Les derniers rayons léchaient doucement le canal, la mayonnaise de la mère de l’écailler tenait très largement la route, quelqu’un bricolait sur le quai un moteur de bateau déposé. Un couple passait, sans que l’on puisse dire lequel aidait l’autre à marcher presque droit avant même le début de la soirée. Un vieil homme déjà repéré dans la journée peignait un pont levé. Sète est une drôle de ville, pleine de gaieté italienne, d’artistes échoués. Starsky, la photographe, a levé son verre pour trinquer.
Le lendemain, petit ajustement technique. On avait repéré la veille que l’écailler possédait un picpoul-de-pinet prometteur. Comme il faut toujours essayer de progresser, de s’élever, je suis allé négocier avec le barman d’à côté pour qu’il ne prenne pas