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Libération
Alchimiste

Roellinger fait parler la poudre

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Dans les cuisines de son ancien restaurant de Cancale, l’ex-chef aux trois étoiles compose désormais de savants mélanges d’épices, rapportées du monde entier.
publié le 25 juillet 2014 à 18h06

Dans la fraîcheur du matin, des odeurs de cannelle, de girofle, de cardamome parfument le salon qui s’ouvre sur un bassin où glissent des canards. Tapis aux couleurs fanées. Fauteuils délicats. Boîtes à épices en bois très dur. En bouche, l’infusion Vent de lune exhale ses parfums d’hibiscus, de menthe, de lavande, de gingembre. La douceur alanguit. Soudain paraît le maître des lieux, Olivier Roellinger, bientôt 59 ans, consacré chef trois étoiles en 2006 et compositeur de poudres d’épices, qu’il vend à Cancale, sa ville natale, Saint-Malo, Paris, à Michel Bras ou Michel Troisgros (1).

L’homme laisse deviner un esprit vif comme un vent breton. Une tête pleine de rêves de se barrer sur la côte de Malabar en Inde à respirer du poivre noir ou au Mexique à s’étourdir de l’orchidée qu’est la vanille. Dites «mer» et son imagination prend le large, nourrie d’aventures des corsaires Duguay-Trouin ou Surcouf, du navigateur Jacques Cartier. Souvenirs des derniers cap-horniers qu’on saluait avec respect à la sortie de la messe, de copains qui plaquaient l’école pour aller pêcher la morue à Terre-Neuve.

«Ici, réussir, c'est partir», lance-t-il derrière des lunettes rondes d'intello, avant de vous faire les honneurs de son port d'attache : la Maison de Bricourt (du nom de l'armateur qui la fit bâtir), rebaptisée Maison du voyageur. Celle où il naquît et pour laquelle il s'est battu afin de la conserver quand les vaches étaient maigres. Celle où cet homme convaincu que «la cuis