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Cocktail

La dolce vita du spritz à Venise

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Sa couleur vive et son amertume centenaires ont quitté la lagune italienne pour venir titiller les papilles des citadins européens.
publié le 8 août 2014 à 18h06

Venise est irriguée de souvenirs. Il y a ses monuments dont l’air décati évoquent une splendeur passée et une lente destruction à l’œuvre. Et puis les objets, les masques ou le verre coloré de Murano, que les hordes de touristes ramènent dans leurs ferries ou avions low-cost et déposent sur leurs étagères. Et surtout, il y a les autres souvenirs, immatériels, sensuels, dont l’évocation d’un fragment permet de revivre un voyage, un moment. En Italie, la mémoire est souvent gastronomique. Et à Venise, où rien ne fonctionne vraiment comme ailleurs, le souvenir du voyageur est celui d’une boisson, le spritz, cocktail qui, dès la fin de l’après-midi, colonise les terrasses de la ville avec sa couleur orangée, son goût léger et ses notes fraîches et amères.

Bitter. La boisson n'est pas seulement vénitienne, elle se retrouve dans la plupart des bars d'Italie du Nord, à Trieste, Padoue ou Bologne. Mais c'est bien la lagune qui sert de superbe écrin à ce cocktail symbole de l'histoire de la région, de l'amalgame qui s'y est opéré entre les cultures. Au XIXe siècle, Venise se retrouve dans les ambitions territoriales de l'empire autrichien, à qui elle succombe plusieurs fois. Les ruelles de la ville voient débarquer des nuées de soldats autrichiens, accompagnés de marchands, diplomates, fonctionnaires venus de Vienne et d'ailleurs. Dans les tavernes de la Vénétie, ils sont rebutés par le taux d'alcoolémie des vins de la région, plus élev