On s’est levé à la nuit noire, avec une envie de faim, une envie de vie à réveiller le soldat inconnu. Les projets de recettes les plus soutenus surviennent ainsi dans ces petits matins inattendus. Fin de nuit de traîne, queue de songes errants, on a fait le tour des morts et des vivants et on s’exfiltre des draps tièdes comme le couffin du chat pour aller faire grincer l’escalier taillé dans le chêne de la Crochère. Ne cherchez pas cette heure avec la précision d’un horloger suisse, elle est en vous, elle est nous. Elle vous cueille au bord du lavabo - poignée d’eau fraîche et savon du petit linge - ou bien encore dans la cuisine où vous allez faire chanter la bouilloire pour un de ces cafés solubles auxquels carburent les patrouilleurs de rêve que l’on peut croiser des Maréchaux aux chemins vicinaux, en passant par la porte Saint-Denis.
A cet instant, vous ne savez pas encore ce que vous allez fricasser, brioche, tajine, terrine de campagne, morue au four… Ni si vous allez devoir régaler une tribu vorace comme une escouade de Huns sur un train de côtes de bœuf. Ou une souris esseulée débarquée d’un chagrin d’amour et qui se console avec de l’ail en chemise et des chèvres de la Drôme, odorant comme une étable d’hivernage.
Talisman. Mais pour vous, tout ça, à cette heure, c'est de la balle, de la bagatelle. Vous venez d'ouvrir la porte qui donne sur le jardin pour tutoyer la fin des ténèbres. Allez-y, éteignez les lumières, ouvrez grand les mirettes et humez la vie