Le port désert et sombre. Elle marche en silence, ombre noire que prolonge un petit sac à dos. Un bruit à côté d’elle au bord du quai : un ragondin fend l’eau près d’une coque rouillée, elle frissonne. Le tanker repéré au bout du quai. Arrivée devant, elle pose son sac à terre, enfile les bretelles à l’envers pour le porter contre sa poitrine. Elle s’accroupit, attrape un câble d’amarrage, l’emprisonne entre ses jambes et se hisse à la force des bras. Là-haut, elle se rétablit comme un chat. Reste un moment immobile, aux aguets. Le bateau semble désert. Elle marche alors doucement sur le pont glissant, trouve un escalier, descend, à l’affût. Le bâtiment sent le fer et le pétrole. En bas, des portes ouvertes, vêtements jetés sur des couchettes, les marins en quartier libre. L’une des cabines paraît inoccupée. Elle hésite, poursuit dans la coursive. Au bout, une réserve.
Elle a marché des jours pour rejoindre ce port, calmer sa cavale loin de ce pays. Plus mangé depuis longtemps, ses jambes sont en guimauve. Sur une étagère, un saladier couvert d’un film transparent, des pâtes, elle s’en saisit. Une pile de bouteilles, elle en attrape une au hasard, remonte sur le pont. Dehors, la brume est tombée sur le tanker. Soudain, elle se fige. Là-bas une ombre est accrochée au bastingage, un homme. Elle se voûte, redescend sans un bruit, jusqu’à la cabine vide, la verrouille derrière elle, reste adossée un moment. Puis s’assoit sur une couchette. Elle regarde la bouteille, grimace. Du v