Bones et Roseval avaient ouvert à la fin de l’année 2012, à Paris. Et c’est maintenant, au même moment, qu’ils ferment définitivement. Deux restaurants de plus ou de moins dans la capitale, quelle différence ? Outre le fait qu’on y mangeait très bien, ces deux enseignes sont représentatives d’une vague, d’un élan qui a porté la cuisine parisienne au début des années 2010, et qui est peut-être en train de s’essouffler.
Le coup d’envoi de ce renouvellement créatif a été donné par Inaki Aizpitarte qui, en inaugurant son Chateaubriand en 2006, a diffusé une vision nouvelle de la gastronomie, éloignée du tintouin étoilé. Le Basque a mis en place des assiettes modernes et audacieuses, centrées sur la qualité du produit. Installé non loin de Belleville, il a aussi prouvé qu’il n’était nul besoin d’avoir pignon sur rue dans le triangle d’or pour attirer une faune prête à investir une soixantaine d’euros (prix du menu unique) dans son dîner.
En redéfinissant les codes du bien-manger, Inaki Aizpitarte a fait des émules parmi les Français (Bertrand Grébaut chez Septime, Sven Chartier chez Saturne…), mais a aussi encouragé des étrangers à se lancer à la conquête de la capitale. James Henry, l’Australien à la tête de Bones, et Simone Tondo, Sarde cofondateur du Roseval (avec son coéquipier anglais Michael Greenwold, qui avait quitté le navire en 2014), se sont installés, comme la plupart de leurs homologues, dans de minuscules enseignes de l’Est de Paris où ils ont proposé des menus uniques déroutants. Ils partageaient une fougue - et il en faut pour porter seul un tel projet - rafraîchissante, une foi en leur travail peu commune. Deux ans et demi plus tard, que s’est-il passé ? Chacun évoque une envie d’ailleurs, l’impression d’avoir fait le tour de la question. L’enthousiasme des débuts semble s’être tassé. La cuisine et la salle minuscules, souvent bruyantes, le fait de se trouver au milieu de la concurrence (Bones, entre Septime et le Chateaubriand) ou relativement excentré (Roseval, derrière Ménilmontant) ont dû peser sur les nerfs des cuisiniers.
Même si Henry et Tondo assurent que leurs business continuaient d’être rentables, ces restaurants, où l’on ne pouvait autrefois réserver car toujours complets, étaient devenus accessibles. Une baisse de fréquentation sans doute imputable à la multiplication frisant l’absurde d’adresses proposant la même formule.
De même que, dans les années 2000, les restaurateurs se targuaient volontiers d’être versés dans la cuisine moléculaire, aujourd’hui, pour être dans le coup, ils se donnent des allures de néobistrots, vidant la notion de sens en se contentant d’en adopter la seule esthétique. James Henry et Simone Tondo estiment tous deux qu’ils rouvriront une adresse à Paris, un jour. On compte sur leur retour.