On doit beaucoup aux Australiens et aux Américains dans l’amélioration du café français. Ce sont eux qui ont ouvert en premier des échoppes servant de bons espressos, équilibrés et pas trop amers, réalisés avec des grains non industriels et une précision qu’on n’avait jusqu’à présent jamais observée dans l’Hexagone. Mais, depuis quelque temps, les Anglo-Saxons ne règnent plus en maîtres incontestés.
Ils ont fait des émules, et parmi eux, il y a Cuillier, une entreprise fondée par un binôme franco-italien et financée par les Galeries Lafayette, dont le but avoué est d’ouvrir une petite dizaine d’adresses dans Paris. Pour l’instant, trois ont déjà vu le jour, aux Galeries Haussmann, forcément, à Montmartre et, au début du mois, rue de Grenelle, face au musée Maillol. Son ambition : devenir la nouvelle référence du bon café et être accessible au plus grand nombre. Les fondateurs font remarquer, à juste titre, que les coffee-shops pèchent parfois par excès de snobisme - tout le monde ne se sent pas à sa place au milieu de la faune de hipsters qui débattent des vertus de l’Aeropress.
Les enseignes Cuillier sont agréables, ouvertes sur la rue, soigneusement agencées par l’architecte Valérie Mazerat (qui a déjà signé le concept-store bobo Merci). Le grignotage sucré (cakes, muffins, granolas…) et salé (tartes, quiches) ne démérite pas (réalisation artisanale) et l’essentiel, le café, est impeccable. Les deux entrepreneurs n’ayant pas de compétence en gastronomie, ils ont eu le bon sens de se concentrer sur la relation client et se fournir en grains déjà torréfiés dans une excellente brûlerie parisienne. Ils ont aussi recruté les meilleurs baristas (chez Coutume, entre autres).
On peut déguster un assemblage, le «blend 21», retravaillé en permanence pour offrir un profil aromatique harmonieux et raccord avec les saisons. Avec ses notes de fruits et de chocolat, il est facile, pas trop acide (un défaut répandu dans les coffee-shops anglo-saxons), fédérateur. Hormis ce «blend», tous les autres cafés sont monovariétaux. L’éthiopien est légèrement floral, avec des notes intenses de fruits rouges (très bon en filtre), le brésilien a un côté plus terreux, avec un corps épais, le guatémaltais se distingue par ses notes de chocolat, noisette et caramel.
Bien sûr, Cuillier surfe sur un concept dans l'air du temps et se moque du monde en écrivant «depuis 1844» sur son logo, juste parce qu'il a repris le nom d'un torréfacteur parisien du XIXe siècle. Mais cette ruse marketing idiote est compensée par la qualité des produits associée à des prix raisonnables (2,5 euros l'espresso, 4,5 euros le cappuccino, 3 euros le filtre), pas beaucoup plus chers que ceux pratiqués par les grandes chaînes. Si on pouvait remplacer tous les Starbucks de France par des Cuillier, le monde ne s'en porterait pas plus mal.