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Libération
Critique

Tafta, traité anti-terroirs

Publié le 06/05/2016 à 17h11

Ils sont croate, italien, français, éthiopien, roumain. Toutes et tous issus du Master Food Identity délivré à Angers par le groupe ESA (Ecole supérieure de l’agriculture), qui forme tous azimuts de la production agricole à l’aménagement du territoire en passant par la protection de l’environnement. Le week-end dernier, ils ont participé aux rencontres de Cambremer (Calvados), rendez-vous incontournable et international dédié aux produits d’appellations d’origine contrôlée et protégée (AOC et AOP).

Cambremer est aux indications géographiques du boire et du manger ce que le mouvement «slow food» est à l'éducation au goût : une instance de réflexion et de discussions où, cette année, les négociations sur le Tafta, le traité de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis (lire Libération du 26 avril) , ont été au centre des débats. C'est en effet l'avenir des appellations qui se joue dans ce bras de fer international : «La dénomination géographique est d'abord un élément d'authentification des productions. Derrière les produits, qui représentent des emplois et des devises à l'export, c'est aussi un concept d'organisation sociale et environnementale des territoires, par définition indélocalisable», a déclaré récemment Jean-Luc Dairien, directeur de l'Inao, l'institut qui gère les appellations.

Pour les diplômés de l'ESA, c'est un peu l'avenir de leur cœur de métier qui résonne avec le Tafta. Le terroir est la colonne vertébrale de leur formation, qui couvre l'ensemble du domaine agroalimentaire, de la conception à la commercialisation des produits locaux. A l'issue de leur master, ils ont édité deux livres de Voyages culinaires qui rassemblent, chacun, 15 nationalités et 25 plats différents. Plus qu'un recueil de recettes, il s'agit d'une mosaïque de goûts qui donnent à voir les cultures locales et à les relier entre elles. «Les produits ou aliments respectant les traditions de production et leur terroir ont une richesse, non seulement gustative mais aussi culturelle, sociale et même parfois environnementale», affirment les auteurs dans leur préface.

Hariniaina, originaire de Diego Suarez, dans le Nord de Madagascar, confie ainsi sa recette de «crabe au coco», où le riz qui l'accompagne, ingrédient de base de la culture culinaire de l'île, est sa «food identity». Ce n'est pas seulement «son plat préféré», fleurant le gingembre et le curry, c'est un marchepied vers les terroirs malgaches : vins, thé vert, vanille, cacao. Plus près de nous, Pierre-Louis décrit à travers son «pâté lorrain» une région à forte tradition charcutière où l'on fait mariner l'échine de porc dans le vin gris de Toul (AOP). Quant au «Cuca Banana», dessert de Giovanna, il permet d'apprendre que le Brésil est un des plus importants producteurs mondiaux de miel.

Rens. : asso.foodidentity@gmail.com