Quand, en cuisine, l’époque scande, à outrance, le produit, le produit, le produit, il est des chefs qui n’ont pas besoin du renfort du marketing pour cultiver leur pré carré de saveurs. François Bassas, aux fourneaux du restaurant Deymier à Pamiers, officie dans ce pays de cocagne qu’est l’Ariège. Entre plaine, coteaux et montagne des Pyrénées, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser les trésors des jardins sans saloperie chimique et aller par monts et par vaux pour faire le plein de fromages, de viandes, de volailles et de truites produits dans cette contrée d’eaux vives, de grand air et d’herbes folles.
Tous les samedis matin, François Bassas se ravitaille au marché de Pamiers où «il a beaucoup appris» des légumes, son «péché mignon. C'est très stimulant intellectuellement. On a ici une grande variété et une vraie terre maraîchère». Parfois, un producteur débarque à l'improviste pour lui proposer un panier d'herbes ou, comme ce matin-là, «un demi-mouton de race ancienne». Depuis sa cuisine, il surveille les saisons comme le lait sur le feu, débusquant les premiers champignons. Ses ramasseurs lui apportent girolles, cèpes d'été, pieds de mouton, chanterelles des pins, morilles, mousserons de la Saint-Georges et les truffes auxquelles il consacre un menu entre janvier et février. En hiver, il taquine les légumes secs avec, notamment, le coco de Pamiers, petit haricot rond local qu'il apprête en velouté avec des copeaux de foie gras ou en espuma avec de la poitrine de cochon noir.
Originaire de Pézenas dans l'Hérault, François Bassas est venu à la cuisine à 17 ans, au grand étonnement de ses parents. «Je ne savais même pas faire cuire un œuf.» Un bac pro en poche, il fait son service militaire aux fourneaux à Matignon, passe par le Ritz et le Pré Catelan, où Frédéric Anton «lui apprend la gastronomie», mais n'envisage pas de manger un sac de sel à Paris. «Il fallait se mesurer aux autres, ça ne me faisait pas rêver», dit-il. A Toulouse, il passe deux ans au Pastel avec le chef Gérard Garrigues. «Il m'a appris à devenir un vrai cuisinier, à travailler la viande, des bêtes entières», se souvient-il.
Il souffle un vent de liberté sur la cuisine de François Bassas qui, chaque soir, propose un menu surprise (32 euros). «C'est parfois dur pour mon équipe de me suivre dans cette improvisation de tous les jours mais, ici, on part du produit pour imaginer une recette et non l'inverse.» Au menu du déjeuner (28 euros), on a pu mesurer le talent foisonnant de ce chef franc-tireur de 39 ans avec un agneau savoureux et une épatante déclinaison de l'aubergine en gâteau, en cristalline et en caviar épicé au cumin.
Deymier, 1, rue Bernard Saisset, Pamiers (09). Rens. : 05 61 60 08 11.