Menu
Libération
Palestine

Le vin de Palestine, une cuvée politique

Taybeh Winery, unique producteur de vin palestinien, voudrait conquérir le marché international.
Le vin de Taybeh Winery, un cas unique en Palestine pour le moment. (photo Abbas Momani. AFP)
publié le 19 septembre 2016 à 13h54

Il est désormais possible de trinquer avec du vin palestinien. Taybeh Winery offre pour l'instant la seule appellation viticole de tout le pays, mais l'entreprise n'en reste pas moins déterminée à exporter ses 30 000 à 35 000 bouteilles annuelles à l'international. «Taybeh Winery a été créé pour une seule raison : proposer un authentique vin d'exception au marché palestinien et étranger», indique le site officiel de la société, installée dans le village de Taybeh, 30 km au nord de Jérusalem.

Spécialité de la maison : le Zeini. Outre le cabernet sauvage, le merlot et le syrah, le producteur travaille avec une variété de raisins qui pousse près de Hébron, à 1 000 mètres d'altitude. Le Zeini donne un vin blanc du même nom, «un vin plaisant avec une fragrance de pomme et de poire mûrs, selon le site commercial. Unique, riche et long en bouche, il accompagne à merveille le poulet grillé et les légumes».

Le reste de la Palestine ne fabrique quasiment pas de vin : la vigne couvre 5% des surfaces cultivées mais la population, musulmane à 98%, s'en tient à l'interdit religieux. Seul le monastère chrétien de Crémisan entretient une tradition de mise en bouteille. Las, la localité pourrait se retrouver du côté israélien, selon le tracé de la barrière que le gouvernement de Tel-Aviv veut construire autour de la Cisjordanie.

Plébiscite ou boycott

Il y a aussi le cas du vin palestinien conçu par des colons israéliens : celui-ci est le seul vin palestinien que tolèrent certains Israéliens. En revanche, le breuvage subit le boycott que des associations ont lancé contre les produits issus des territoires occupés.

Taybeh Winery est donc une exception, en attendant l’arrivée d’une hypothétique concurrence. Le patron, Nadim Khoury, un chrétien, ne cache pas ses intentions militantes : faire exister la Palestine sur la carte mondiale. Celle des vins, pour commencer – avant peut-être que l’ONU ne reconnaisse le pays à part entière, comme Etat membre ? Le pari se révèle sensible. Les Etats-Unis refusent par exemple d’importer un vin «palestinien». Pour respecter les accords de libre-échange avec le marché américain, Nadim Khoury doit utiliser des étiquettes mentionnant la Cisjordanie…

Déguster ce vin (ou non) est donc un acte au moins aussi gastronomique que militant. Khoury confie à France 24 : «Ceux qui boivent notre bière [la maison fait aussi brasserie depuis vingt ans, ndlr], et maintenant notre vin, sont sensibles à la cause palestinienne. C'est un choix politique.»