Quel est le point commun entre l’affaire Benalla et le vin bleu commercialisé depuis début juillet par une entreprise basée à Sète (Hérault) ? Tous les deux font pisser de la copie au cœur de la canicule accentuée par la gueule de bois macronienne. Mais il y a une différence considérable entre lever le coude pour esbaudir ces petits cons de gauchistes et lever le coude pour siroter un breuvage couleur de piscine. Baptisée vindigo et produite en Espagne, cette vinasse est du 100 % chardonnay, deuxième cépage blanc le plus planté du monde (200 000 hectares, soit 4 % du vignoble planétaire et 10 millions d’hectolitres par an).
Et ouais, y a un truc pour qu’il soit couleur de lagon. Ce n’est pas du bleu de méthylène qui procure des mictions azurées. Encore moins du bleu brillant, cet additif alimentaire (E133) qui teinte le curaçao bleu. Bon alors bordel, faut-il presser une colonie de Schtroumpfs pour obtenir le vin bleu ? Ben non, c’est un truc vieux comme le pif qui permet cette alchimie : il suffit de faire macérer le vin blanc avec des peaux de raisins noirs et ainsi il devient bleu.
Ça vous en bouche un coin, hein ? Allez petite révision, bande de buveurs ignares : c'est la peau ou la pellicule du grain de raisin qui fait souvent la couleur de la robe de votre cuvée préférée. «Ce qui est encore le plus intéressant dans la pellicule, c'est la matière colorante, expliquaient Edouard Nègre et Paul Françot dans leur Manuel pratique de vinification et de conservation des vins (Flammarion, 1947). En effet, exception faite pour certains cépages dits "teinturiers", la matière colorante du raisin, quelle que soit sa couleur, est exclusivement contenue dans la peau.»
Sur Facebook, vindigo nous promet un vin «frais, fruité, doux» avec des «arômes agréables de cerise, de framboise et de fruit de la passion». Depuis la lumineuse saillie du cuisiner-écrivain-anar Benoist Rey, on sait que Mieux vaut boit du rouge que broyer du noir. Mais alors pourquoi biberonner turquoise quand l'or d'un aligoté peut nous combler au cœur de l'été ? Parce que c'est la dictature du bleu qui règne en maître sur notre planète ultra-marketée. «Le bleu est l'une des couleurs les plus populaires dans le commerce. Elle inspire la fiabilité, offre un air de fraîcheur et encourage les sentiments de productivité, d'apaisement, de tranquillité et de confiance», peut-on lire sur le site d'Alioze, une agence de com. Désormais, le bleu contamine le pastis, les noms de whisky et de vodka, les bouteilles de bière et le picrate…
Le vin bleu fait causer comme le fit il y a plus de soixante ans le vin fou d’Henri Maire. Pour promouvoir sa marque, le vigneron jurassien fit apposer des milliers de panneaux sur les routes de France. Personne ne nous a jamais dit que le vin fou était bon mais tout le monde en causait. En matière de rince cochon, l’imagination de l’être humain est sans limites.