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Tu mitonnes

C'est chicon la vie

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Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd'hui, virée hivernale en compagnie d'un loup solitaire qui va se régaler d'endives au jambon.
Tu mitonnes, le chichon (emmanuel pierrot/Photo Emmanuel Pierrot)
publié le 2 janvier 2020 à 9h50

Photo animée Emmanuel Pierrot

Il est point d'heure, point de date mais à quoi ça sert d'y penser. On pourrait être à la Pâques, à la Toussaint, à la Saint-Jean, le 1er janvier qu'il s'en foutrait. Il est accroché à son volant comme un bouquet de thym sur un rocher levantin. Dans la bruine qui cire l'autoroute, il se rassure en se roulant un gros cylindre de Samson sur son genou. D'une seule main, la droite. Ça fait un petit froissement de tabac sur son jean élimé.

Vieux Ford

Il conduit humblement comme un vieux messager qu’il est. Son vieux Ford geint comme une bête fidèle, soumise. Dans une autre vie, il domptait fièrement une berline allemande. Droit comme un i sur le cuir des sièges ébène. Carte bancaire «plus plus» accrochée au pare-soleil. Hugo Boss comme uniforme. Sûr des contrats qu’il allait signer. Il était le trader de tous les possibles. La vie en Gold, de ses comptes en banque jusqu’à la pointe de ses Weston. On le craignait autant qu’on l’admirait dans les hautes tours de la finance dans l’Ouest parisien.

Job en or

Un jour, le fracas lui est tombé dessus comme un bombardement sur Dresde. Il a vu son destin s’écrouler comme les murs d’une antique ferme en torchis. Dans les gravats de son mektoub, il a songé à la vieille corde de l’étable pour tourner pour toujours la page. Mais vous savez ce que c’est, la vie est plus intelligente que nous. Une rugueuse main tendue lui a remis le pied à l’étrier d’une fourgonnette cabossée. Ce n’était pas un job en or, juste un labeur pour te