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Libération
Tu mitonnes

La grande histoire en fines herbes

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Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd'hui, promenade champêtre à l'heure du coronavirus avec recettes de ciboulette et d'ail des ours.
(emmanuel pierrot/Photo Emmanuel Pierrot)
publié le 19 mars 2020 à 16h15

C’est l’autre jour dans une vallée heureuse. Le printemps explose en fleurs bigarrées au bord d’une rivière grosse des dernières pluies : anémones, primevères, pervenches, violettes se déploient en pétales bigarrés pour former un tapis insolent de vie. Et au beau milieu de cette symphonie pastorale, la ciboulette sauvage et l’ail des ours promettent de réjouissants frichtis printaniers. On songe déjà à l’omelette à la ciboulette et au pesto d’ail des ours qui va embaumer les pennes.

Epine noire

Il faut dire qu'on l'aime tant ce rituel saisonnier qui nous fait jouer de l'Opinel avec insouciance. Alors, on se dit que l'on fera notre cueillette au retour après avoir poussé jusqu'à ce magnifique bosquet d'épine noire qui fleurit blanche dans le lointain. Mais au fur et à mesure que l'on arpente ce chemin creux, une méchante boule enfle et nous vrille le ventre. Comme un sournois virus de méfiance en train de nous contaminer et de nous murmurer, narquois : «Et si tu le chopais ce Covid-19 avec ta ciboulette et ton ail des ours ?» On se dit que cette affreuse pensée n'a aucun sens. Qui donc irait postillonner ou éternuer sur un pied de ciboulette au beau milieu de ce bout de monde ? Et puis on n'a jamais fait grand cas de la pisse de renard et de la douve du foie quand il s'agissait de se régaler de salade de pissenlits ou de cresson sauvage.

Frichti de choux

Et pourtant, pourtant, on est rentré avec notre panier vide, sans ciboulette, ni ail des ours, tétanisé, englué dans cette sourde et confuse ango