Nadia El Fani Réalisatrice franco-tunisienne
La réalisatrice franco-tunisienne Nadia El Fani a quitté la Tunisie de Ben Ali pour Paris il y a dix ans. Son documentaire Laïcité, Inch'Allah ! sorti au mois de septembre, a provoqué la colère des islamistes. Elle a reçu plusieurs menaces de mort.
Lors des élections pour l’Assemblée constituante en Tunisie, Ennahda, le parti islamiste, a obtenu 41% des voix devant le Congrès pour la République et Ettakatol, comment interprétez-vous ces résultats ?
Il faut relativiser cette victoire. Ennahda a fait le plus grand nombre de voix, mais la majorité n’a pas voté pour eux. Beaucoup de Tunisiens se sont fait berner par leur discours modéré qui n’a rien de démocrate. Ils ont réussi à faire interdire le film de Marjane Satrapi alors qu’ils n’étaient même pas aux commandes, je me demande ce qu’ils feront quand ils y seront. Saoud Abderrahim, élue Ennahda à l’Assemblée constituante, a tenu des propos inadmissibles sur les mères célibataires qu’elle considère comme une honte pour le pays. Et certains osent l’imaginer ministre de la Femme et de la Famille. Je ne vois pas comment les Tunisiens peuvent laisser passer ça. Les islamistes n’ont pas gagné avec un projet islamiste, mais en jouant sur le terrain identitaire du «On est tous des musulmans». Ils ont fait croire que les progressistes voulaient instaurer l’athéisme. Il fallait expliquer aux Tunisiens que l’identité chacun la porte en soi, individuellement et que le politique n’a pas à définir l’identité d’un peuple. Les Tunisiens ont voté pour Ennahda qui leur a promis du travail, en oubliant que les islamistes ont toujours été des partis prônant l’économie libérale.
Le score de Ennahda n’est-il pas le signe que le pays n’est pas prêt pour la laïcité ?
La Tunisie est un pays conservateur où les progressistes son