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Libération

Vers un musée 2.0 ?

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Les nouvelles frontièresdossier
Modératrice Béatrice Vallaeys
par
publié le 25 novembre 2011 à 0h00

Jean-Jacques Aillagon Ex-ministre de la Culture

Le musée crée de l’exception, pas les images

Charles Perrault inaugure la querelle des Anciens et des Modernes quand l'Europe découvre des civilisations grandioses, la Chine, le Japon, le souscontinent indien, le Mexique… On est en 1689 et une conception inédite de la modernité distincte de l'Antiquité, mais d'égale valeur, s'énonce au moment même où l'Europe sera bientôt contrainte de relativiser sérieusement son «universalisme» face au constat d'un pluralisme humain indéniable. Le musée, conçu en France après 1793, ignore tout cela. Il est né d'un rapt, celui des biens ecclésiastiques et nobiliaires qu'il concentre en un seul lieu et il nomme cela l'histoire. Une histoire locale.

Bientôt, le musée Napoléon, en internationalisant la rapine, se croit universaliste, il ne fait qu'inventer l'impérialisme culturel. Arjun Appadurai décrit notre monde actuel comme celui des «flux» d'images et d'idées, simultanément recomposables par tous. C'est l'ère du Web.

Notre époque est celle de l’écran et de son image toujours disponible, ici. Cette image qui n’est pas encore un clone, est partout, mais elle ne doit rien au musée avec ou sans frontière, car c’est la présence, l’échelle et le «j’y étais, j’ai vu», qui crée de l’exception, ce qu’est en définitive l’œuvre d’art. L’image compressée n’atteint jamais que le stade de la banque de données. Archaïque, le musée crée de l’espace et de l’exception, ce que ne savent pas (encore) faire les images. Ce qui d