Ce samedi 11 novembre, Libé s’installe à la Cité de la Musique pour 24 heures de festival. Au programme : rencontres entre la rédaction et le public autour de masterclass, de débats, de spectacles vivants, de concerts…
«Je trouve dommage que cette conférence soit uniquement animée par des femmes.» La petite bombe est lâchée par une lectrice d’un certain âge, dans le confort douillet de l’amphithéâtre de la Cité de la Musique. On est en plein débat sur «les nouveaux combats du féminisme», la salle est comble, accoudoirs compris. L’intervention provoque des réactions illico. Quelques hommes approuvent : pour eux, ce débat entre les autrices Wendy Delorme, Léonora Miano et la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, animé par la rédactrice en cheffe de la newsletter L, Cécile Daumas, on serait là en train de «répéter les mêmes schémas de domination».
Depuis la scène, la réponse fuse, acerbe. «Combien de conférences, de colloques, qui parfois abordent les féminismes, sont exclusivement masculines, interroge Camille Froidevaux-Metterie, spécialiste de la condition féminine. Combien ? Autour de cette table on est loin de la misandrie mais force est de constater que les arguments antiféministes sont les mêmes depuis des années : avec les hommes, on piétine.» Pluie d’applaudissements.
Avant ce mini-esclandre, on avait parlé relation amoureuse. Elle «doit être fondée sur l’égalité, mais est-il seulement possible d’entrer en relation amoureuse avec une personne qui détient tous les pouvoirs dans la société patriarcale», avait balancé la comédienne mais «aussi chanteuse» Léonora Miano. «On attend depuis l’Antiquité que l’on rentre dans le carcan créé par les hommes, notre corps est un objet. Il doit redevenir un sujet», avait embrayé sa voisine philosophe qui précise son propos : «Il n’y a pas que le genre qui structure les rapports de pouvoir entre les assignés hommes et les assignées femmes. La couleur de peau, la classe sociale jouent énormément.» D’où l’importance de combiner ces luttes. L’intersectionnalité en un mot.
«Le backlash antiféministe est de plus en plus fort»
L’échange électrique entre la salle et la scène révèle une bataille qui inquiète. Le «backlash antiféministe est de plus en pus fort, les droits des femmes reculent», estime ainsi Camille Froidevaux-Metterie qui déplore qu’en France «on n’enseigne pas la philosophie féministe». De plus, «on ne finance pas les études sur le genre, sur les féminismes, accuse Wendy Delorme. Il y a une véritable résistance souterraine.»
Si les hommes ne prennent pas part aux combats féministes, c’est qu’il faudrait pour cela qu’ils abandonnent une partie de leur pouvoir, analyse la philosophe. «Et ça… ils ont du mal», lâche Léonora Miano, hilare. Deux lycéennes montent sur scène pour raconter leur résistance au quotidien. Paola a réussi à arrêter une agression sexiste dans une rame de métro. Rania explique vivre avec la pression constante du regard masculin sur son corps et que ses vêtements sont devenus «une protection contre un environnement hostile». Ces «récits sont la preuve d’une nécessité de sororité», insiste Camille Froidevaux-Metterie. Rania acquiesce. Elle aurait adoré qu’une autre fille lui dise qu’elle n’est pas responsable du regard des hommes car «c’est ensemble, à petite échelle, comme des sœurs que le combat avance. Il faut continuer à se battre».