Pour ses 50 ans, Libé s’installe ce samedi 11 novembre à la Cité de la Musique pour 24 heures de festival. Au programme : débats et rencontres pour décrypter l’actualité, découvrir les coulisses du journalisme et réfléchir à la marche du monde. Mais aussi des masterclass, des spectacles vivants et des concerts…
En 1998, Emmanuel Soussen, alors étudiant à l’école des avocats et plutôt tenté par le droit des affaires, entre en stage chez Jean-Paul Lévy, l’avocat de Libé. Il n’est jamais reparti. «Ce n’est pas tant le droit de la presse que les sujets des articles poursuivis qui me passionnent. On a pu plaider sur les massacres du Rwanda, une algue tueuse en Méditerranée, les bisbilles au sein du comité Miss France, la validité de la thèse des frères Bogdanoff… Cela change à chaque fois et nous pousse à nous adapter.»
Emmanuel Soussen aussi s’est attaché à l’histoire de Libé, comme à son équipe. Au fil des années, le journal a changé, et s’est petit à petit professionnalisé sous le regard de son avocat historique, Me Henri Leclerc, qui l’a défendu plus de trente ans. «Alors qu’ils n’étaient au départ presque que des militants, on a vu les gens devenir des journalistes, la rédaction se transformer en une entreprise de presse moderne. Même s’il a fallu un certain temps pour imposer que l’on cesse de le considérer comme un brûlot d’extrême gauche et qu’on le reconnaisse enfin comme un moyen d’expression national», retrace l’ancien président de la Ligue des droits de l’homme. Fatalement, les dossiers ont changé et avec eux le travail des avocats du journal. Le droit, lui aussi, a évolué. «Sous la pression de la Cour européenne des droits de l’homme, en matière de droit de la presse pur, on a assisté à une progression, qui allait dans le sens de la liberté d’expression», détaille encore Henri Leclerc.
Pour Me Soussen, «les relations que l’on noue avec les journalistes de la rédaction sont un peu différentes de celles qui lient classiquement un avocat à ses clients. On apprend à travailler ensemble, c’est essentiel pour être utile». Ces dernières années, le nombre d’enquêtes et d’articles qui nécessitent une relecture par le cabinet d’Emmanuel Soussen a explosé, il en dénombre «une vingtaine par semaine». Une vingtaine de nouvelles procédures sont ouvertes chaque année contre Libération, un chiffre «dans la moyenne», pour un quotidien. La nature des dossiers a changé elle aussi : les affaires politico-judiciaires sont moins nombreuses et ont laissé place aux procès en diffamation liés à des accusations de violences et harcèlement sexuels, «environ 20 % des dossiers», selon l’avocat. Les murs blancs de son bureau arborent plusieurs unes encadrées. Celle, mythique, de 1980, annonçant en noir et blanc la mort de Jean-Paul Sartre, en côtoie une autre, plus cocasse, datée de 2011, mettant en scène un concombre, mis en cause après la mort d’une dizaine de personnes provoquée par une bactérie. Manchette : «Présumé innocent».