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Libération
Climat Libé Tour Bordeaux

Un long week-end pour parler d’écologie

La première étape du Climat Libé Tour 2024 a démarré à Bordeaux. Retour sur trois jours de débats et de rencontres.
Camille Etienne, dimanche à Bordeaux, dans la manifestation contre le projet de puits de pétrole à la Teste-de-Buch. Crédit Margot Sanhes / Ijba.
par Pierre Bayet, Lisa Defossez, Patti Delaspre, Paul Florequin, Orianne Gendreau, Agathe Di Lenardo, Lila Olkinuora, Lili Pateman, Linda Rousso, Margot Sanhes, Corentin Teissier, Alexandre Tréhorel, étudiants journalistes de l'Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (Ijba)
publié le 10 février 2024 à 11h34
(mis à jour le 12 février 2024 à 16h44)
Depuis ses débuts, le Climat Libé Tour, événement tourné vers la jeunesse, associe à chacune de ses étapes une école de journalistes locale (CFJ à Paris, ESJ à Lille ou Dunkerque, Ejcam à Marseille, Ijba à Bordeaux) afin que les étudiants couvrent, avec leurs regards, l’actualité des forums. Reportages, comptes rendus, portraits, photos, interviews… Ces articles sont issus de leur travail.

Transports, rénovation industrielle, végétalisation… En 2024, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous gratuits et grand public. Objectif : trouver des solutions au plus près des territoires.

«Nous sommes sur l’autoroute du changement climatique avec un pied sur l’accélérateur»

Après la manifestation contre les forages pétroliers à la Teste de Buch (lire ci-dessous et le reportage de notre correspondante Eva Fonteneau), le débat s’est poursuivi dans l’amphithéâtre Gintrac bondé. Pour clôturer ces deux jours de Climat Libé Tour, la militante Camille Étienne, la journaliste Paloma Moritz, Claire Mericq militante Stop Pétrole bassin d’Arcachon et le maire de Bordeaux Pierre Hurmic, étaient réunis pour dénoncer cette exploitation.

Applaudissement, rires et battements de jambes. Les spectateurs de cette dernière table ronde, pour la plupart tout juste sortie de manifestations, trépignent dans l’amphithéâtre comble. «Nous faisons face à une lâcheté politique», entonne Paloma Moritz «la Loi Hulot voulait interdire toute nouvelle exploitation de fossiles en France sauf qu’aujourd’hui on peut agrandir tous les forages existants». Aurore Coulaud, l’animatrice, renchérit ironiquement : «mais le gouvernement a assuré que les forages de la teste de Buch permettront de financer la transition écologique». La salle s’esclaffe. Tour à tour les intervenants rappellent l’importance de la lutte et les promesses non tenues de la France et de l’Europe en termes de transition écologique.

«L’A69 est un exemple de lutte locale devenue nationale puis internationale», remarque Paloma Moritz. Ce n’est pas nouveau dans l’histoire des luttes. «Cela fait longtemps que les résistantes et résistants s’unissent à travers le monde. Ils incarnent l’incapacité de nos adversaires de penser au-delà. Nous, à l’inverse, on se bat pour ce qui est juste», scande Camille Étienne. «Cette décision n’est pas seulement symbolique ou anecdotique elle fera jurisprudence si l’on refuse là, c’est que l’on refusera tout», conclut Claire Mericq, porte-parole du collectif Stop Pétrole bassin d’Arcachon. Orianne Gendreau et Linda Rousso

Trois questions à Timothée Duverger

L’économie peut-elle être sociale et solidaire ? Timothée Duverger, enseignant à Sciences Po Bordeaux et responsable de la Chaire Territoire de l’économie sociale et solidaire (ESS) était dimanche l’invité du Climat Libé Tour.

L’économie peut-elle être sociale et solidaire dans une société capitaliste ?

L’ESS repose sur la gouvernance démocratique et participative, le but non lucratif et les activités qui concourent à l’intérêt général. Elle propose un modèle économique qui repose sur la coopération. Les entreprises sont par exemple dirigées par des groupements de personnes et non des capitaux. L’ESS peut survivre car elle représente en France 10,5 % des emplois. Mais elle est sous pression. Elle fournit aussi des cadres compatibles avec une économie de décroissance car elle propose un modèle fondé sur les besoins et non sur le profit. En deux siècles d’histoire, elle n’a pas remplacé le capitalisme. Nous n’avons plus le temps d’abattre le capitalisme.

Comment enseigner un concept aussi vaste et peu connu ?

Je dirai qu’il y a une «révolution pédagogique» dans l’enseignement de l’ESS. La pédagogie s’organise autour de la pratique. Les étudiants du master ESS de Science-Po ont créé une activité de conseil sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif. L’activité de conseil est diverse. En 2023, ils ont par exemple monté une ressourcerie à côté d’une déchetterie.

Quel est l’obstacle principal à ce mode de pensée ?

Le principal frein est institutionnel. C’est une économie qui n’est pas assez portée par l’État et pas assez financée. En France, un rapport de l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) montre que 157 milliards d’aides directs vont pour les entreprises contre 13 milliards pour l’ESS. Chaque fois qu’un plan économique est fait, les politiques oublient d’inclure l’ESS. Rentrer dans ces appareils idéologiques d’Etat que sont l’école, les médias, les institutions ce n’est pas si simple pour une économie de citoyenne. Ce n’est pas une économie qui va faire de l’achat d’espace ou qui va pouvoir se payer des partenariats avec l’éducation nationale par exemple. La question qui se pose est : Comment l’ESS peut-elle rééquilibrer les rapports de force ?

Orianne Gendreau et Linda Rousso

Des militants européens à Bordeaux contre de nouveaux puits pétrole sur la côte

Des drapeaux verts ont fendu le ciel bordelais ce dimanche 11 février. Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place de la Victoire, devant le Climat Libé Tour, pour faire entendre leurs voix contre le projet de puits de pétrole à la Teste-de-Buch.

Dimanche 11 février, Bordeaux a accueilli un rendez-vous à ne pas manquer pour les activistes environnementaux. Le collectif «Stop pétrole bassin d’Arcachon» a réuni ses militants sur la place de la Victoire. «Je crois que le nom de cette place est un sacré signe», s’enthousiasme Camille Étienne, militante écologique, invitée du Climat Libé Tour. Et de poursuivre : «C’est comme si un homme qui avait un cancer des poumons se voyait prescrire une dernière clope : c’est insensé. Et puis en plus d’être symbolique, la décision qui sera prise pourra servir de jurisprudence. Si ce projet n’aboutit pas, ceux qui suivront potentiellement ne verront peut-être pas le jour non plus !» Ici, tous sont rassemblés pour s’opposer au projet de la compagnie canadienne Vermilion Energy. Elle prévoit de forer huit puits de pétrole à la Teste-de-Buch, proche du bassin d’Arcachon.

Sous son chapeau melon, Laurent, infirmier de 57 ans, s’inquiète. «On habite à côté d’Arcachon et on a vécu les feux de forêt. Là, c’est la goutte de trop». Autour de lui, tous partagent cet avis. Beaucoup ont une larme noire dessinée sur le visage, représentant l’inquiétude suscitée par ces puits.

«Nous, ce qu’on attend, c’est que le préfet dise non !», invective Nathalie Hervé, militante du collectif «Stop pétrole bassin d’Arcachon». Une volonté partagée par la coordinatrice de Greenpeace à Bordeaux, Barbara Raguenet. Sous la colonne de la Victoire, les militantes rappellent l’importance de signer la pétition contre ces forages. «Aujourd’hui on a 30 000 signatures, on compte sur vous pour atteindre les 50 000.»

Pésent dans le cortège, Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste) a estimé de son côté : «aujourd’hui, la jeunesse se mobilise, et elle est là pour faire pression. En fait, il faut que la population comprenne que les choses dépendent d’elle, qu’il ne faut pas laisser faire les élus, et que c’est à nous de s’organiser pour changer le système».

Des militants de toute l’Europe ont rejoint le mouvement à Bordeaux. Des membres de collectifs écologistes suisse, espagnol et belge ont pris la parole, tous avec le même mot d’ordre. «Le carbone n’a pas de frontière, personne ne veut de ces nouveaux puits de pétrole, ni les français, ni les belges !». Ils s’indignent de l’irresponsabilité des gouvernements. «Le Canada et la France n’ont-ils pas signé les accords de Paris ?» Nathalie Hervé se félicite de la dimension internationale de l’événement. «C’est important que le préfet et Vermilion sachent que des gens de Gironde, de France et d’Europe sont choqués par l’incohérence de ce projet alors que la planète crame.»

Greta Thunberg a profité de son déplacement dans le Tarn samedi 10 février, pour se joindre à la manifestation dimanche à Bordeaux. Elle représente une jeunesse mondiale inquiète pour l’avenir de sa planète. Sa présence n’a fait que confirmer les propos du climatologue Christophe Cassou. «L’indignation n’est pas un crime. C’est le signe de la conscience qui fait de nous des êtres humains».

Orianne Gendreau, Agathe Di Lenardo, Lila Olkinuora, Linda Rousso et Margot Sanhes

«Il faudrait un Robert Badinter de l’environnement»

Dimanche à Bordeaux, Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur chargé des océans et des pôles, a évoqué les enjeux de la justice climatique pour le Climat Libé Tour. Lire la suite de l’article de Paul Florequin et Alexandre Tréhorel.

Cécile Duflot : «le logement est le sujet sur lequel il est le plus difficile d’être écologiste»

Ce dimanche, le Climat Libé Tour redémarre pour un dernier jour de conférences à Bordeaux. Au programme, un échange avec l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot et Grégoire Fraty, ancien de la Convention Citoyenne pour le climat. Thème de la rencontre : comment mieux se loger sans détruire la planète ?

«Puisque 30 % des sans-domicile travaillent, c’est bien le logement qui est excluant», a rappelé d’emblée Aurore Coulaud qui animait cet échange. Après avoir noté les augmentations de loyers – qui représentent aujourd’hui la moitié des revenus des 10 % des Français les plus pauvres – elle a donné la parole à Cécile Duflot. D’emblée, l’ancienne ministre du Logement pointe une contradiction majeure. «Le logement est le sujet sur lequel il est le plus difficile d’être écologiste, car il faut construire des logements pour tout le monde, tout en veillant à ne pas artificialiser les sols». Un débat qui traverse les directions écologistes depuis des années, tant la construction de logements peut s’avérer contraire aux objectifs climatiques. Plutôt que de parler de construction, la directrice générale d’Oxfam France préfère évoquer la «production de logements», car il n’est pas toujours nécessaire de bâtir lorsqu’il est possible d’aménager ou de réhabiliter. «Plus qu’un bien de première nécessité, le logement est un besoin fondamental».

Pierre Bayet

«C’est sain pour une société démocratique de s’imposer des limites»

Timothée Parrique a fait salle comble. A tel point que les agents de la sécurité refusent l’entrée aux retardataires… C’est dans un amphi Gintrac bondé que s’est tenue ce samedi 10 février la masterclass de l’économiste sur la question suivante : «L’écologie peut-elle se passer de la contrainte pour atteindre la justice ?»

Les analogies s’enchaînent durant la conférence. Pour illustrer le processus des crédits carbones, Timothée Parrique fait la comparaison avec le fait de faire la queue. Il imagine un système dans lequel les plus riches pourraient doubler les autres par une mise aux enchères : pour 15 euros, je peux passer devant ? Pour 18 ? Pour 20 ? «Plus on est bas dans la chaîne sociale, plus on est contraint, et à l’inverse, les plus favorisés peuvent contourner ces obligations. Je trouve ça un peu dérangeant».

L’anthropologie, la sociologie et la philosophie se joignent à l’économie pour illustrer ces propos. Timothée Parrique développe les concepts de contraintes libératrices et d’autolimitation. «Ne pas travailler 15 heures par jour peut être une contrainte libératrice face au capitalisme qui vient corrompre nos activités. C’est sain pour une société démocratique de s’imposer des limites». Pour l’intervenant, l’économie doit faire gagner du temps. Pour rendre attrayant son propos, il sait comment amuser son public. «Je veux voir l’indice de sieste intérieure brute augmenter chaque année.»

A la fin de la masterclass, de nombreuses mains se lèvent pour poser des questions, avec un fil rouge : la décroissance. «C’est bizarre cette obsession de la croissance, qui est un concept froid et mathématique». Il propose des termes alternatifs : métamorphose, évolution… Pour lui, le terme de décroissance permet une «douche froide» pour mettre en lumière l’obsession du capitalisme pour cette notion. Mais à terme, il souhaite pouvoir s’en passer et utiliser tous les outils mis à disposition par les chercheurs pour tendre vers une «économie du bien-être».

Lila Olkinuora

Parlement génération transition : un hémicycle en herbe

A l’occasion du Climat Libé Tour, le Parlement génération transition s’est réuni à Bordeaux. Après une longue journée d’ateliers et de débats, plusieurs jeunes ont formulé des propositions à la mairie de la ville en fin de journée ce samedi 10 février.

Des post-it envahissent le tableau de l’amphi Fabre du campus Victoire. Des feuilles volantes traînent sur les bureaux. Les petits groupes relisent leurs notes. Toute la journée, une quinzaine de jeunes ont formé une assemblée éphémère. Objectif : concevoir et formuler des propositions qui seront présentées à des élus de Bordeaux en fin de journée. Le Parlement génération transition s’est divisé en trois groupes. Un pôle Formation, un pôle Alimentation, un pôle Logement. Le compte rendu débute. Lire la suite de l’article de Paul Florequin.

«Le patriarcat exploite la terre mais aussi les femmes»

L’écologie et le féminisme sont-ils liés ? Ils devraient l’être pour les penseuses et les penseurs de l’écoféminisme. Fresque et conférence sur le sujet étaient à l’honneur pour en parler ce week-end.

peine entrés dans l’atrium du campus Victoire, ce vendredi 10 février, les visiteurs sont alpagués par un homme souriant et loquace. Paul Peinture est artiste peintre. Il travaille en collaboration avec l’association M.E.U.F (Mouvement étudiant universitaire féministe). À droite du hall, entre deux colonnes trône leur œuvre : une fresque participative écoféministe. Lire la suite de l’article de Orianne Gendreau et Linda Rousso.

«La finance n’est pas une ennemie à abattre mais un adversaire à rallier à la cause écologique»

A l’heure du changement climatique, l’écologie et le capitalisme peuvent sembler s’opposer, et le concept de «finance verte» paraître paradoxal. Mais pour financer la transition écologique, l’économie durable va être essentielle.

«En analysant un comparateur de banques en 2015, je me suis rendu compte que mon compte en banque était climaticide» : c’est par cette anecdote que la journaliste Anne-Sophie Novel ouvre le débat qu’elle anime ce samedi 10 février, dans le cadre du Climat Libé Tour Bordeaux. «Écologie, mon ennemi c’est la finance ?», la question peut sembler technique. Lucie Pinson, fondatrice de l’ONG Reclaim Finance, Pascal Pouyet, directeur général du Crédit coopératif et Claire Eschalier de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) sont à ses côtés pour tenter d’y répondre. Lire la suite de l’article d’Agathe Di Lenardo.

«Manger sain et à sa faim»

Alors que l’inflation des produits alimentaires a atteint 7,7 % en 2023, un Français sur deux annonce ne pas manger comme il le souhaiterait à cause des prix. Des baisses pourraient être attendues dans le courant de l’année 2024 mais il est certain qu’elles ne suffiront pas à aider les quatre millions de Français qui vivent aujourd’hui en précarité alimentaire. Face à ces échecs, l’idée de sécurité sociale alimentaire (sujet de la rencontre «Manger sain et à sa faim») fait son chemin, une expérimentation est d’ailleurs en cours à Bordeaux. David Glory, du collectif Acclimat’Action qui porte le projet, la définit comme «la mise en application concrète du droit à l’alimentation dans une démocratie alimentaire». Car plus que nourrir tout le monde, la SSA entend fournir une nourriture durable et de qualité, via des produits et des producteurs conventionnés démocratiquement. A terme, les défenseurs du projet entendent créer une nouvelle branche de la Sécurité Sociale, à travers trois piliers : l’universalité des bénéficiaires, un fonctionnement démocratique et financement par les cotisations.

Associé à l’adjointe au maire de Bordeaux Harmonie Lecerf Meunier, David Glory a défini la sécurité sociale alimentaire comme un projet politique «vague». Un lapsus rapidement corrigé, mais révélateur du «vaste» travail qui reste à faire.

Pierre Bayet

«On ne veut pas du fantasme macroniste où l’on fait reposer notre système sur des travailleurs pauvres»

15h15 au Climat Libé Tour de Bordeaux. L’heure de commencer la conférence «Contre la pauvreté : comment garantir des ressources stables et émancipatrices». La salle n’est pas complètement pleine… «Ne vous inquiétez pas, vous avez les meilleurs», s’exclame une spectatrice pour rassurer les intervenants. Face à elle, Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Monde, Chaynesse Khirouni, présidente du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, et Jean-Luc Gleyze, président de la Gironde, sont venus échanger autour de la pauvreté en France.

«Depuis le temps que nous agissons, on pourrait se dire qu’on ne le fait pas bien car la pauvreté et la grande pauvreté augmentent en France», constate tristement Marie-Aleth Grard. Pour la présidente d’ATD, la situation pourrait s’améliorer si les décisions étaient prises en partant des plus pauvres. «En prenant des mesures sans eux, on les oublie». Les intervenants qui l’accompagnent acquiescent. Ils partagent tous les trois l’idée que les plus précaires sont de plus en plus victimes de stigmatisation. «On oppose les catégories sociales les unes contre les autres, explique Chaynesse Khirouni. Ceux qui touchent le RSA sont vus comme des profiteurs. Alors qu’on présente la classe moyenne comme celle qui rame, qui bosse, qui n’a aucune aide». «Le RSA met les gens dans une précarité continue, en ne leur laissant jamais le temps de reprendre assez leur souffle. C’est vraiment méconnaître cette population que de dire que ceux qui en bénéficient ne sont pas travailleurs», complète Marie-Aleth Grard.

A cause de la complexité des démarches administratives ou par honte, les personnes en situation de grande précarité ne sollicitent pas toujours leurs droits. Sur l’estrade, les orateurs s’accordent sur des solutions pour arrêter cette stigmatisation et pour que tous puissent être accompagnés dignement. «Dans la métropole du Grand Nancy, la démarche est de bousculer les pratiques et d’aller vers là où les personnes sont au quotidien», témoigne Chaynesse Khirouni. La Meurthe-et-Moselle, comme 39 autres lieux, a accepté de participer à l’expérimentation «territoires zéro non-recours». L’objectif est ainsi de «tout simplifier» en allant directement à la rencontre de ceux qui en ont le plus besoin.

Pour les deux présidents départementaux présents, la solution la plus efficace serait d’instaurer un revenu de base. Il viserait notamment les jeunes, qui représentent une part importante des plus précaires en France. «L’objectif de ce revenu de base serait d’accompagner vers l’emploi, pour que les personnes puissent poursuivre un parcours choisi et non subi, ajoute Jean-Luc Gleyze. On ne veut pas du fantasme macroniste où l’on fait reposer notre système sur des travailleurs pauvres, en ubérisant la société».

Margot Sanhes

La fresque des inégalités d’Oxfam France : «On fait de l’économie en parlant de bouffe !»

FMI, budget santé, ajustements structurels, bailleurs sociaux… ces mots nébuleux font bouillonner les cerveaux. Sur une grande nappe en papier blanc, une dizaine d’images en carton sont disséminées. La fresque des inégalités, animée par Oxfam France, installée dans le hall du campus Victoire à Bordeaux tente de vulgariser la dérégulation financière mondiale.

«Je ne comprends pas bien ce que cette évolution de la fiscalité entraîne», avoue une participante en lisant une carte. Thomas Garrisson, membre d’Oxfam, avance quelques explications. Vient alors le moment de faire des liens entre les cartes. «On peut la mettre entre l’État, les lobbies financiers et celles qui parlent des conséquences», propose sa partenaire. Marché conclu.

«On se fonce sur le principe de l’intelligence collective», clame Eugénie Bellet, bénévole de l’association. «On veut mettre en valeur les inégalités systémiques grâce à la théorie du donut. On fait de l’économie en parlant de bouffe !». Derrière ce nom fantasque se cache une réelle théorie développée par l’économiste Kate Raworth. L’enjeu est de trouver un équilibre entre les limites environnementales à ne pas dépasser, tout en respectant les besoins humains.

Carte par carte, les participants abordent tous les éléments de la dérégulation financière. Au fil des échanges, ils façonnent leur fresque des inégalités. L’animation se conclut par un débat autour d’actions réalisables à l’échelle de l’individu.

Paul Florequin et Alexandre Tréhorel

«Je ne vois pas cette journée comme une fin, mais plutôt comme un moyen»

A l’occasion de cette nouvelle étape Climat Libé Tour, le «Parlement génération transition» s’est réuni à Bordeaux. Avec un objectif : réunir des jeunes et formuler des propositions à la mairie. Cet hémicycle en herbe s’est ouvert ce matin.

Le bois des bancs de l’amphithéâtre Fabre du campus Victoire craque sous le poids de ses occupants. Dans cette petite salle toute en hauteur, une quinzaine de jeunes patiente, éparpillés çà et là. Face à eux, un écran géant poussiéreux s’allume. «Parlement génération transition : Bienvenue à tous et à toutes !». Sur l’estrade, Fanny Houlé, chargée de mobilisation chez Oxfam France, énonce les étapes du programme. Entre session brise-glace, ateliers autour de différentes thématiques (formation, alimentation, logement), et élaboration de propositions, les bénévoles de l’association vont «accompagner les participants tout au long de la journée». L’objectif : dialoguer avec des élus de la ville autour des problématiques rencontrées par les jeunes.

«Je ne vois pas cette journée comme une fin, mais plutôt comme un moyen». Dans le public, Virginie, 23 ans, échange avec Victor, 19 ans. Ces étudiants se sont inscrits sur un coup de tête il y a quelques jours. «Ça n’est pas trop mon truc ce genre d’événements, mais j’ai voulu me prêter au jeu», lance la première. Après avoir terminé son Master en droit de l’environnement, elle s’interroge : comment apporter des idées et s’engager ? Une question que partage son camarade du jour. «Je ne m’attends pas à grand-chose, mais ça me paraît intéressant de discuter avec des élus locaux».

Dans un coin de l’amphi, une silhouette rose fluo s’active. Eve Demange, élue chargée de l’alimentation à la mairie de Bordeaux, se réjouit. «On veut écouter ce que ces jeunes ont dans le cœur et l’esprit, et apporter des réponses à leurs préoccupations», lance-t-elle, un café entre les mains. C’est elle qui recevra les propositions élaborées par le parlement en herbe à la fin de la journée. Si aucune promesse de mise en place des demandes n’a été prononcée, cette journée permet tout de même de s’assurer que les politiques engagées «vont dans le bon sens».

Avant de formuler les propositions dans l’après-midi, la matinée est placée sous le signe de l’introspection. Le premier atelier débute : les participants vont concevoir leur «arbre des imaginaires». Animée et créée par l’association Graines de récits, cette activité consiste à se questionner sur son environnement au travers d’une allégorie simple : celle de l’arbre. «Par exemple, la sève représente l’énergie disponible, l’écorce les protections contre les agressions, les feuilles sont nos différents associés et alliés, les racines le milieu dans lequel on évolue», éclaircit Claire Mailloux, membre de l’association. L’objectif : faire émerger des réflexions qui alimenteront les propositions faites aux élus de la mairie en fin de journée.

Paul Florequin

«L’objectif est de partager vos rêves»

Lors de la première matinée du Parlement génération transition, animateurs et jeunes participants se sont répartis en petits groupes thématiques pour un atelier introspectif centré sur la métaphore filée de l’arbre. «L’objectif est de partager vos rêves ou encore vos aspirations en collectif pour nourrir les réflexions de cette après-midi et porter des propositions pertinentes», explique aux participants Marin Maufrais, le cofondateur de l’Arbre des imaginaires. Claire Mailloux, l’une des organisatrices de l’atelier, a l’habitude de l’expérimenter auprès de personnes précaires, sans-abri ou déjà sensibilisées à l’écologie. Elle se réjouit donc de «le tester auprès d’un public jeune et de montrer la puissance de cet outil».

Les participants devaient remplir leur arbre des imaginaires en décrivant leurs besoins (qui correspond au tronc), leurs rêves (les graines), leurs inspirations (les nutriments essentiels) ou leurs compétences (les fruits) ; chaque groupe discutant ensuite des différents éléments. Parmi leurs inspirations : Timothée Parrique, François Ruffin, Swann Périssé ou Camille Etienne.

Au sein du groupe dédié à la thématique du logement, un interne en médecine, un étudiant en alternance et un animateur à la Mission locale. «Le but est de faire le point sur son écologie intérieure», explique l’une des encadrantes. Le jeune alternant a ainsi témoigné de ses difficultés à trouver une stabilité en étant logé entre Paris chez ses sœurs et à Bordeaux chez ses amis. L’interne en médecine a décrit quant à lui le malaise qu’il ressentait en prenant en charge des personnes précaires ou sans-abri, alors que lui vient d’un milieu «favorisé, CSP +». L’une des animatrices de l’atelier issue du même milieu, a renchéri en racontant «la tristesse et la colère» qu’elle ressent face à l’incapacité de ses parents à comprendre son mode de vie nomade et les cercles militants et écologistes qu’elle fréquente. Plusieurs participants ont, eux, exprimé leurs inquiétudes face aux conflits mondiaux, à la guerre en Ukraine ou à la potentielle réélection de Donald Trump.

L’une des animatrices, mère de deux enfants, a enfin fait part de son éco anxiété et de sa peur de l’avenir alors qu’elle travaille sur le développement durable et l’écologie depuis plusieurs années. Pour conclure sur une touche pleine d’espoir «il est plus facile d’échanger autour de ces sujets entre jeunes».

Lisa Défossez

«L’écologie peut-elle être populaire ?»

«L’écologie est une pensée complexe, c’est à la fois sa force et sa faiblesse.» Noël Mamère était le premier invité de la journée dans l’amphithéâtre comble du Campus Victoire de l’université de Bordeaux, ce samedi 10 février. Il inaugure un week-end de conférences au côté de Vipulan Puvaneswaran, jeune militant écologiste, acteur dans le film Animal de Cyril Dion et de Renaud Hourcade, chercheur à Sciences-Po Bordeaux, autour de la question de l’écologie populaire. «Trois poisons empêchent aujourd’hui d’expliciter cette complexité : la tyrannie de l’émotion, la dictature de l’instant et la simplification», détaille l’ancien candidat écologiste à la présidentielle (le seul à avoir dépassé les 5 % de votants). «Comment expliquer à ceux qui sont le plus victimes de ce système que l’écologie est un outil d’émancipation ?» Le débat se poursuit autour de la colère sociale des agriculteurs…

Orianne Gendreau et Linda Rousso

Manifestations anti-écolo : «un retour de bâton politiquement gênant mais sociologiquement compréhensible»

Le sociologue Renaud Hourcade a souhaité lier les questions d’écologie populaire aux manifestions des agriculteurs qui ont émaillé le mois de janvier. Au rang des revendications, figuraient, au côté des demandes de rémunérations supérieures, des exigences de réduction des normes administratives et environnementales. L’enseignant à Sciences-Po Bordeaux les voit comme «un retour de bâton politiquement gênant mais sociologiquement compréhensible» en pointant les discours et les politiques écologiques «verticales, discriminantes et stigmatisantes», qui vont à l’encontre d’une écologie populaire quand elles n’emportent pas les populations avec elles. Il appelle à comprendre ceux qui voient dans ces normes environnementales leur «monde qui s’effondre», en prenant comme exemple les agriculteurs qui se revendiquent comme des ouvriers de la terre ou les chasseurs comme les «premiers écologistes de France».

Rebondissant sur ces propos, Noël Mamère a noté «l’absence d’accompagnement des dispositifs mis en place», responsable selon lui de ces revendications. «Cela ne veut pas dire que l’on pourra continuer d’épandre à 50 mètres, ou à 100 mètres des habitations ou des écoles. Surtout en ce moment avec les problèmes d’infertilité». Et d’insister sur la nécessité de se tourner vers un modèle agricole plus vertueux, rappelant que la région bordelaise est celle dans laquelle les cancers du cerveau sont les plus fréquents… trois fois plus que la moyenne nationale.

Pierre Bayet

«Vous êtes venus nous chercher, maintenant on ne va pas vous lâcher»

Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, a découvert vendredi 9 février les conclusions de l’avis de la Convention citoyenne lancée à l’automne par la ville sur l’urgence climatique. Des initiatives qu’il est ensuite venu présenter lors de la séance inaugurale du Climat Libé Tour.

La comparaison est inévitable : la Convention citoyenne bordelaise, lancée par la ville à l’automne 2023, pour répondre à la question «Comment mieux agir collectivement pour nous adapter à l’urgence climatique ?», va-t-elle faire autant de déçus que celle constituée par Emmanuel Macron en 2019 ? «Avec lui, la compétition n’est pas trop difficile», a raillé d’emblée Pierre Hurmic, lors de la soirée d’ouverture du Climat Libé Tour, vendredi soir. Elu en 2020 sous la bannière écolo, le maire de Bordeaux le promet avec vigueur : cette fois-ci, les recommandations des citoyens ne vont pas rester dans les cartons… Lire la suite de l’article de notre correspondante Eva Fonteneau.

A Lormont, le collège Georges Lapierre roule pour l’écologie

Les établissements scolaires girondins sont porteurs de nombreux projets. Le collège George Lapierre de Lormont est l’un d’eux. En son sein, une équipe pédagogique engagée a lancé une centaine d’initiatives, dont certaines qui cherchent à répondre aux enjeux écologiques.

Nichée au cœur des tours HLM de Lormont, la façade grise du collège Georges Lapierre se fond parfaitement dans un paysage bétonné. Pourtant, derrière le portail, le décor change un peu. Une fresque colorée égaye le hall de l’établissement classé REP +. A deux pas, des affichettes sont accrochées sur un tableau de liège. Chacune liste des activités à destination des élèves. Les 540 collégiens de Georges Lapierre se voient proposer une centaine de projets différents. Certains sont obligatoires dans le cadre de cours. D’autres se font sur la base du volontariat. Lire la suite de l’article de Lila Olkinuora et Margot Sanhes.

«En tant qu’élu, il est important de se reconnecter aux jeunes»

Jean-Baptiste Thony, conseiller municipal et métropolitain délégué à l’économie circulaire et au zéro déchet, était présent ce samedi 10 février au Parlement génération transition pour la deuxième année consécutive. Il y recueille les propositions des jeunes inscrits pour les transmettre à la mairie de Bordeaux. «En tant qu’élu, il est important de se confronter au terrain et de se reconnecter aux jeunes», considère-t-il. Il reconnaît que les propositions de l’année dernière sont «restées internes». «On ne s’est pas engagés sur quoi que ce soit», affirme-t-il, «Les propositions étaient très généralistes et ne relevaient pas des compétences de la ville. Résoudre la crise agricole ou battre le capitalisme n’est pas entre nos mains». L’élu cite tout de même la monnaie locale bordelaise, la Gemme, dont il est responsable, et qui contribue selon lui à «bouleverser le capitalisme».

Le Parlement génération transition permet selon lui de «questionner cette répartition des compétences». «La transition écologique englobe beaucoup de choses, elle est dans toutes les délégations municipales. Ce n’est pas une filière ou un domaine à part, mais une vision politique qui doit s’incarner dans tous les domaines», défend-il.

Aujourd’hui en charge de la thématique «formation», Jean-Baptiste Thony se réjouit de découvrir «les attentes qu’ont les étudiants envers les élus» et espère pouvoir intégrer certaines propositions dans le projet de la ville de Bordeaux. Le conseiller municipal et métropolitain souhaite demander par exemple «à l’université, à la région ou au département de porter des actions». «Je suis curieux de voir ce qui va ressortir de cet atelier formation», conclut-il.

Lisa Défossez

Photojournalisme : «un supplément d’âme et d’information»

Entre bombes lacrymogènes et projectiles, quels sont les défis auxquels sont confrontés les photojournalistes lors de la couverture des mouvements sociaux ? Témoignage de Cyril Zannettacci.

Depuis toujours, Libération accorde une importance majeure à l’image, sujet de la table ronde «Dans les coulisses de Libé : à la rencontre du service photo», samedi 10 février 2024 à Bordeaux. Une approche particulière. Nathalie Marchetti, cheffe adjointe du service photo de Libération, parle ainsi de photographies d’auteurs «avec un supplément d’âme et d’information» et non de simples images d’illustrations. «C’est aussi l’art du photographe, savoir se placer au cœur de l’action, s’adapter, capter et faire passer un message.» Lire la suite de l’article de Corentin Teissier et Patti Delaspre.