Comment réinventer une gouvernance qui fait la part belle aux coopérations entre État, collectivités territoriales, associations, entreprises et citoyens ? Quelle place alors pour cette France qui essaie ? Rendez-vous le 26 octobre prochain au Conseil économique, social et environnemental. Evénement réalisé en partenariat avec l’association des départements solidaires, le département de la Gironde et la Fondation Jean-Jaurès. Inscription gratuite : cliquez ici.
Déjà onze ans qu’un tarif solidaire de l’eau existe à Dunkerque (Nord). La communauté urbaine a été précurseur sur le sujet, et en récolte les fruits aujourd’hui : «Nous sommes à 67 m³ par ménage en moyenne de consommation annuelle, contre 81 m³ en 2012», se félicite Bertrand Ringot, maire de Gravelines (PS), et président du Syndicat de l’eau du Dunkerquois. Soit 15 % de baisse. C’était le premier objectif de cette mesure, en faisant payer plus cher les gros consommateurs, et en minimisant le coût de l’eau indispensable, pour les foyers les moins riches. A Dunkerque, l’eau potable vient de loin, d’une nappe phréatique située à 40 kilomètres de distance, dans les collines de l’Artois. Une rareté de la ressource qui a obligé les collectivités à penser sobriété, avant que le réchauffement climatique n’en fasse une question d’actualité.
Bonus pour les familles modestes
Le syndicat de l’eau du Dunkerquois, qui a délégué la gestion de son réseau à Suez, a donc mis en place en 2012 une tarification à trois étages. Les sobres, jusqu’à 80 m³ par an, bénéficient du tarif eau essentielle, à 1,28 euro le m³ (sans compter le coût du traitement de l’eau) ; l’eau utile, jusqu’à 200 m³ par an, est à 2,30 euros ; au-delà, on entre dans la catégorie eau de confort, payée 3,10 euros, par seulement 3 % des foyers du bassin dunkerquois. Bonus pour les familles modestes, bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, l’ancienne CMU : elles ne payent que 0,49 euro leur mètre cube d’eau, à condition de rester dans la première tranche de consommation, l’eau utile. «Qu’on fasse payer plus cher les propriétaires de piscines par solidarité avec les foyers plus modestes, l’idée est bonne», concède volontiers Daniel Ducrocq, président sur le secteur de la Confédération du logement et du cadre de vie (CLCV), une association de protection des consommateurs. Mais il y a un trou dans le dispositif : les familles nombreuses, quatre enfants et plus, qui ne peuvent pas se suffire de 80m³ par an, quelle que soit leur bonne volonté. On estime qu’en moyenne, une famille de quatre personnes en consomme 150m³.
«Responsabiliser les gens»
«Nous n’avons pas encore pu mettre en place un partenariat avec la CAF pour connaître la composition des foyers», se défend le directeur général du Syndicat de l’eau du Dunkerquois, Fabrice Mazouni. La Caisse d’allocations familiales confirme : «Nous n’avons pas l’autorisation de communiquer les données relatives à la composition du foyer.» Mais les choses bougent : la loi Engagement et proximité de décembre 2019 a généralisé la possibilité d’une politique sociale de l’eau. La CAF est en attente du décret d’application.
Interview
Cette tarification sociale de l’eau, basée sur la collecte de données individuelles, oblige chaque foyer à se doter d’un compteur même dans les immeubles collectifs. Plutôt une bonne chose, estime Daniel Ducrocq, de la CLCV : «Quand la facture est collective, que cela soit pour l’eau ou pour le chauffage, c’est une gabegie. Le compteur individuel permet de responsabiliser les gens : on paie ce que l’on consomme.» Le Syndicat de l’eau du Dunkerquois déploie désormais des compteurs connectés, avec télérelève. Daniel Ducrocq est moins convaincu : «La promesse, c’est de voir en direct sa consommation sur Internet, avec possibilité d’une alerte en cas de fuite. C’est très bien pour les gens qui maîtrisent l’informatique, mais pour beaucoup, c’est du chinois.»
La sensibilisation à la valeur de l’eau reste un combat à gagner. Dans les rues de Dunkerque, beaucoup connaissent l’existence du tarif solidaire, mais ignorent la tranche à laquelle ils appartiennent, comme Marie-Noëlle, 75 ans : «Le paiement n’est réclamé qu’une ou deux fois par an, avec les charges de copropriété», explique-t-elle. Daniel Ducrocq n’est pas surpris : «Pas une personne sur dix ne connaît sa consommation d’eau.»