Face au mal logement, la finance solidaire peut-elle changer la donne ? Pour mieux comprendre les enjeux, Soliko (ex Solifap) propose, en partenariat avec Libération une soirée d’atelier et de débat, le vendredi 24 janvier.
L’immeuble, style Art-Déco, se trouve dans un quartier chic de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Un coin plutôt résidentiel. Pour y arriver, on traverse le bois de Vincennes. Dans la cour, un marronnier, une table de jardin et juste à côté, un joli platane. Depuis trois ans, neuf logements, de deux à quatre pièces, accueillent des mères de famille avec leur enfant, originaires de France, d’Afrique, du Maghreb ou d’Albanie. Les locaux ont été achetés par Soliko grâce à l’épargne confiée par 650 particuliers et actionnaires.
Les occupantes de ces «logements passerelle» travaillent ou touchent le RSA. Isaura est femme de ménage, Imane est employée dans un pressing, Laura caissière. Dans 90 % des cas, des femmes seules avec des enfants, souvent très jeunes. Certaines étaient battues, et, arrivées en France, se sont séparées. Le centre a été inauguré le 8 octobre 2021. Une belle fête avec cirque, musique baroque et repas algérien.
Ana Lopez est la directrice de l’association Solidarités nouvelles pour le logement (SNL) du Val-de-Marne, qui compte six associations départementales à Paris et dans la région parisienne. Elle est chargée de rendre compte au département de l’accompagnement social et du suivi des locataires. «On travaille sur la réduction des charges locatives, la mise en place d’échéancier, le renouvellement des titres de séjour… On a tendance à être dans l’habitat diffus, à prendre des logements à droite et à gauche. Là, c’est un grand collectif avec neuf locataires. On doit faire vivre le lieu et qu’il soit accepté auprès des riverains.»
Des bénévoles les aident à régler les problèmes du quotidien
Ce n’était pas gagné. Les voisins se sont rebiffés. «Leurs logements allaient perdre de la valeur. Les gosses allaient faire du bruit dans la cour…, expliquent Sophie Fourestier et Annette Klek, bénévoles du groupe local du SNL. On nous a dit : “Vous allez mettre ces gens dans un quartier chic où on n’a pas envie de les avoir. Ils seraient bien mieux dans la ZUP où il y a des gens comme eux et où ils se feront des amis (sic).”» Une banderole : «Dégagez ! Pas de mixité ici !» a même été déployée. Le maire de Fontenay Jean-Philippe Gautrais (Divers gauche) a tenu bon, soutenu mordicus la démarche. L’immeuble a été acheté, rénové. Et il ne reste plus guère aujourd’hui qu’un voisin grognon pour se plaindre du bruit des enfants.
Les locataires ne peuvent pas y rester toute leur vie (mais trois ans et demi en moyenne). Un travailleur social les accompagne. Des bénévoles les aident à régler les problèmes du quotidien : remplir un formulaire est une gageure… «Ils ont souvent de vieux téléphones, ne peuvent pas installer toutes les applications. Les femmes sont sujettes aux arnaques. On passe pas mal de temps, sur leurs factures EDF, les justificatifs de domicile», expliquent les bénévoles.
Qui poursuivent : «Elles sont très attentives à ce que leurs enfants fassent de leur mieux. Ils ont été très bien accueillis dans les écoles, où la plupart travaillent bien.» Certaines ont demandé du soutien scolaire. Un atelier a été organisé avec une artiste grapheur, un autre avec un artisan potier. Des sorties sont effectuées au musée, ou bien à Paris.
Et les gens reçus là ont vu leur vie changer. Un enfant est désormais heureux de pouvoir inviter ses copains chez lui. Pour cette fille, qui changeait d’hôtel tous les trois jours et perdait ses cheveux, tout est rentré dans l’ordre. Cet autre qui ne s’exprimait pratiquement pas, et se montrait bien agité, corrige désormais sa mère lorsqu’elle fait des fautes de français.