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Climat Libé Tour Dunkerque: initiative

A Fort-Mardyck, la nature en haut de la friche

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Dans la commune rattachée à Dunkerque, un poumon vert s’est faufilé au cœur du complexe industrialo-portuaire, dans un ancien dépôt pétrolier racheté par le Conservatoire du littoral.
(Simon Bailly/Libération)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 12 octobre 2023 à 17h38
(mis à jour le 12 octobre 2023 à 17h52)
Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.

Une lande, des biquettes et des… torchères d’usine. Les Salines, à Fort-Mardyck, ont des allures modestes, sans la majesté du Cap Blanc-Nez ou des autres sites habituellement protégés du Conservatoire du littoral. Mais c’est une reconquête, 100 hectares de nature au cœur du complexe industrialo-portuaire de Dunkerque. «C’était une opportunité assez rare, remarque Arnault Graves, délégué Manche et mer du Nord du Conservatoire du littoral. On y retrouve un milieu naturel qui s’est reconstitué, une zone de régénération dans un milieu anthropisé.» C’est peu de le dire, l’homme a pris ses aises entre le complexe sidérurgique d’Arcelor Mittal et la communauté urbaine, dense, de Dunkerque, avec son autoroute et ses voies rapides. Mais la nature s’est faufilée, a envahi un ancien dépôt pétrolier de BP. Et elle sera respectée, malgré l’importance du foncier dans un moment où le port se développe. Le Conservatoire du littoral en a racheté 62 hectares, auxquels devraient bientôt s’ajouter 36 hectares, rétrocédés par le grand port maritime de Dunkerque.

Opération de longue haleine

En mai, une promenade de deux kilomètres qui évite les secteurs pollués, sur un tiers du site, a été inaugurée. Il a fallu investir 120 000 euros de travaux pour offrir ce poumon vert aux habitants, et respecter ce droit commun d’accès à la nature. Une opération de longue haleine : «Il a fallu dix ans, entre la date d’acquisition de la première parcelle en 2012, et l’ouverture au public», note Arnault Graves.

Le terrain est bordé de peupliers et de saules, un rideau vert planté pour séparer l’ancien site industriel classé Seveso des habitations les plus proches. Ils ont prospéré : on chemine en sous-bois avant de déboucher sur une pelouse dunaire, protégée des randonneurs. C’est un biotope rare, avec sa mousse tortule grise, qui verdit en hiver, et ses minuscules centaurées du littoral, que seuls les botanistes avertis remarquent. Il a fallu enlever les ronces qui abondaient, avec des machines dotées de pneus à basse pression, pour éviter qu’elles écrasent tout sous leurs roues. «En 1966, tout le sable extrait pour creuser une des darses du port a été déposé là», explique Virginie Helin, écologue au département du Nord, chargé de la gestion du site. Ce qui a été une bonne chose : «Les sols très pauvres sont bons pour les plantes.» 460 espèces végétales différentes poussent sur le site, un quart de la flore régionale. Des orchidées, comme l’orchis bouc, haute et à forte odeur, ou la discrète ophrys abeille dont la fleur ressemble à un bourdon.

Watergangs et roselière

On est sur un polder, des terres gagnées sur la mer grâce à un réseau de canaux, les watergangs, et une roselière s’est développée. Elle n’est pas ouverte au public, pour laisser les oiseaux en paix. C’est paisible, des gens promènent leur chien, et ignorent les restes de l’ancienne activité, des clôtures en béton, une voie de service goudronnée, ou une cheminée avec encore son échelle. Ils ont été laissés en rappel de l’histoire du lieu : avoir été une friche industrielle interdite d’accès a permis à la nature de se développer en toute liberté.