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Villa Créative: Rencontre

A la Villa créative, Côme di Meglio et ses «mousses enchantées»

L’artiste investira le futur lieu avignonnais avec ses dômes en mycélium. Diplômé en art et en technique, il repense l’architecture des grandes ville avec ses structures vivantes.
L'artiste Côme di Meglio à Marseille, le 9 mai 2025. (Olivier Monge/Myop pour Libération)
publié le 25 mai 2025 à 17h42
(mis à jour le 27 mai 2025 à 17h01)

A Avignon, la Villa créative propose de confronter les savoirs scientifiques, pédagogiques et artistiques pour créer de nouvelles connaissances. Un événement dont Libération est partenaire.

Des ascendances italiennes, mais c‘est dans les forêts du Périgord, terre familiale du côté de sa mère, que Côme di Meglio, regard vert perçant, a découvert ce qu’il nomme la «mousse enchantée». A écouter cet artiste basé aujourd‘hui à Marseille, on n’est jamais loin du décor d’Alice au pays des merveilles, à tout le moins de sa symbolique transformatrice et émancipatrice. L’émerveillement fait partie de son vocabulaire artistique, au même titre que «la magie du saisissement» et «la joie». De celle qui l’habite en imaginant, à la fin de l’été, son dôme monumental prendre place dans les jardins de la Villa créative. L’architecture, comme pour ses autres installations, sera constituée de matériaux à base de… mycélium. «On le connaît par sa partie visible, les champignons, mais c‘est juste un petit moment dans la vie du mycélium», explique-t-il, lui préférant sa «partie végétative», autrement dit, tout ce qui se trame en sous-bois : «réseau de filaments», «d‘interdépendances», où s’orchestre une pièce en plusieurs actes, entre destructions et renaissance.

Diplômé des Arts Déco en 2014, Côme di Meglio fait partie de cette génération d‘artistes et de designers qui se sont emparés de cette matière organique et vivante. Il s’intéresse d‘abord aux recherches de l’expert en biomatériaux Maurizio Montalti, dont il estime «qu’il a tout compris» en reléguant aux oubliettes plastique, résine et autres matières toxiques. Mais c‘est par le détour de la pratique de la musculation qu’il commence à véritablement intégrer le mycélium à son art. «Je découvre un rapport à l’alimentation presque mystique et spirituel. Ce n’est pas tant le nombre de tractions que je pouvais faire mais, plus profondément, l’énergie liée à la matière que j’ingérais. J’ai eu envie de créer une expérience qui témoigne de cela.» Ce seront, à partir de 2018, les dîners enchantés d‘hypnose Transition Food au centre culturel le Consulat à Paris, puis dans d‘autres lieux.

C‘est alors que le mycélium tisse sa toile dans l’esprit, et bientôt l’atelier, de Côme di Meglio, comme un matériau en capacité de nous placer en «état de présence augmentée» et «de s’adresser à l’entièreté de notre être» : «Il y a une forme de résonance qui se crée avec le corps, tout un registre esthétique et sensoriel. C‘est doux comme une peau, chatoyant de couleurs organiques et chaudes, à la différence de matériaux minéraux et froids.» Tel son Myco Temple, installé à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), le long d‘un sentier de randonnée, il imagine des formes d‘habitat primitif pour «rentrer dans le ventre de la terre», «envelopper» le visiteur.

Au milieu de cocottes-minute, d’outils low-tech de biotechnologie, de menuiserie, Côme di Meglio est dans son atelier comme en cuisine, à travailler et peaufiner son substrat autant que la structure. Pour ce nouveau projet à la Villa créative, qui prend place dans le cadre du programme européen «Starts» – des résidences de création alliant art, sciences et technologie – il fait le choix de nourrir le mycélium de canne de Provence, une «essence emblématique de la Méditerranée». «L’enjeu est d‘identifier une ressource inexploitée», esquisse-t-il, avec le désir de promouvoir ce matériau auprès des professionnels de la construction. Et de disposer, pour cela, de données précises, factuelles. Sous l’égide de la French Tech Grande Provence et de l’Université Avignon, la résidence prend des allures plus high-tech, presque entrepreneuriale.

Titulaire d‘un «master technique», il travaille au millimètre près la coque et la membrane du dôme, calculant contraintes et autres paramètres. Avec des chercheurs, il conçoit des outils pour mesurer l’impact de son installation sur le bien-être, en captant notamment la prosodie des voix. «Le but n’est pas de remplacer mais de trouver une place singulière à ces architectures en mycélium.» Son intime conviction est le «besoin» de déployer dans les villes «ces espaces de silence et de reconnexion». «Je crois en ce pouvoir magique du champignon de nous relier à cette dimension spirituelle», confie-t-il. Pourquoi pas commencer par Marseille, dont il aime le «chaos», le «côté épicurien», mais où il va chercher le recueillement en apnée dans la mer.