Sous-préfecture de l’Hérault, Lodève ne jouit ni des plages de la Méditerranée, ni des étendues sauvages du Larzac. Le dynamisme de Montpellier, une cinquantaine de kilomètres plus au sud, ne rayonne pas jusque-là. De fait, Lodève vivote : coincée dans sa vallée, cette commune de 7 400 habitants voit sa population stagner depuis des décennies. Les usines textiles, qui autrefois faisaient sa fierté, ont périclité depuis des lustres. Puis la Cogema, qui exploitait ici une mine d’uranium, a mis la clé sous la porte à la fin des années 90. Aux abords de la ville, de vieilles bâtisses témoignent de ce passé révolu. Mais c’est le cœur de la cité qui a été le plus durement frappé : rideaux de fer baissés, volets clos, immeubles insalubres… La vacance commerciale grignote les rez-de-chaussée, l’absence de rénovation dégrade les logements.
«Lodève est une ville pauvre, déplore Gaëlle Lévêque, maire (PS) de Lodève depuis 2020. Dans le cœur de ville et son pourtour, classés quartiers prioritaires depuis 2015, le taux de chômage atteint environ 25 %, la moitié des habitants vit sous le seuil de pauvreté et 50 % des familles sont monoparentales. Ce centre-ville dégradé a été déserté au profit des populations les plus précaires.» Les classes moyennes préfèrent vivre en pavillon, à l’écart de ce cœur de ville essoufflé. «Notre centre commence à se transformer mais c’est très long, constate Gaëlle Lévêque. Nous avons racheté des commerces vacants, nous nous sommes engagés dans des programmes lourds, comme les opérations de résorption de l’habitat insalubre… Mais chaque dispositif demande de longues années.»
Richesse du patrimoine
C’est ce territoire en transition, en perte de vitesse et en quête de solutions qu’a labouré Gladys Champanay dans le cadre d’une étude Popsu. Architecte, doctorante Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) en aménagement de l’espace et urbanisme, Gladys Champanay a cosigné le rapport issu de ce travail mené durant deux ans par une dizaine de chercheurs associés. «Notre recherche a fait remonter un manque de communication, de coordination et de cohésion entre les acteurs de Lodève : collectivités et élus, associations et tiers-lieux, techniciens et institutions liés aux programmes nationaux mis en œuvre sur le territoire… Les ingrédients pour un nouveau souffle sont bien là, mais le liant n’est pas suffisant.»
Ce fossé semble s’être creusé, paradoxalement, lors des nombreux programmes gouvernementaux et études institutionnelles qui se succèdent dans le Lodévois depuis une dizaine d’années. Ces actions territoriales très ciblées, destinées à revitaliser la ville, «manquent de visibilité» pour de nombreux habitants, selon Gladys Champanay. Mais les tables rondes organisées dans le cadre de ses recherches ont aussi permis de pointer ce qui tire Lodève vers le haut : la richesse du patrimoine bâti et naturel, le dynamisme culturel, l’expertise des habitants porteurs de nombreux projets et des acteurs investis dans plus de 300 associations, le dynamisme de tiers-lieux… Autant d’atouts qui ont récemment permis à des initiatives d’émerger, comme celle de l’Ilot vert de la Soulondres. «La première pierre de ce projet d’habitat participatif, mené par une coopérative d’habitants, a été posée il y a quelques semaines, raconte l’architecte. Initialement, les habitants s’opposaient à un projet de bétonisation immobilière sur ce site. Puis cette confrontation a mûri en projet et cette volonté citoyenne a convaincu la municipalité.»
Usine désaffectée et reconvertie
De même, la mobilisation et l’implication d’habitants ont permis à Lodève d’expérimenter le dispositif «Territoire zéro chômeur de longue durée». «Grâce à lui, 150 personnes ont été embauchées en CDI par l’Abeille Verte, une structure cofinancée par l’Etat et le département, proposant des services à la personne, le réemploi de matériaux du bâtiment ainsi qu’une production maraîchère, détaille Gaëlle Lévêque. Dans une ville comme Lodève, ces 150 emplois représentent beaucoup.»
A noter également le projet des Moulinages, porté par l’entreprise Ecolodève : une vaste usine désaffectée située à l’entrée de la ville est devenue un lieu de production, d’écoconstruction, d’échanges, de formation. Pour la jeune architecte, de telles initiatives ont permis de recréer quelques ponts entre les acteurs du territoire : «Ici, le potentiel des compétences est énorme, les projets alternatifs menés par et pour les habitants se développent, l’entraide est une réalité. Ce terreau constitue une vraie richesse… à condition de transformer les tribus en réseaux.»