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Place à demain: initiative

A l’Université de Lille, Pangéa tend la main aux étudiants étrangers

Place à Demaindossier
Créée en 2016, dans la foulée de l’expulsion de la jungle de Calais, l’association accompagne les jeunes étrangers en leur proposant de rencontrer d’autres étudiants autour de multiples activités.
Plus de 300 étudiants étrangers sont inscrits sur le groupe WhatsApp de Pangéa, où sont mises en commun les propositions de sorties. (Benoit Durand/Hans Lucas. AFP)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 11 janvier 2024 à 6h34
Les 26 et 27 janvier 2024, Libération coconstruit avec les moins de 30 ans Place à demain. Un événement dédié à l’écoute de la jeunesse et ouvert aux débats entre toutes les générations. Une soirée et une journée de rencontres gratuites, au Théâtre du Nord et en partenariat avec la Métropole européenne de Lille, le Théâtre du Nord, la CCI Grand Lille Hauts-de-France, l’université de Lille, la Voix du Nord et BFM Grand Lille. Entrée libre sur inscription.

«Dix sur dix, c’est ma note pour Pangéa. Sans eux, peut-être qu’on serait déprimé.» Souleman, 26 ans, étudiant soudanais à l’Université de Lille, le dit sans fard : après un long parcours d’exil, quand il a décidé de demander l’asile en France, il s’est retrouvé seul. Sans ami à la fac, et sans connaître les codes. Heureusement, les bénévoles de Pangéa, des étudiants comme lui, lui ont offert de partager des activités et des soirées avec eux : visite du musée la Piscine à Roubaix, escalade, repas, discussions en français sur la base de jeux de société… Il a eu le choix, comme les 302 étudiants étrangers inscrits sur le groupe WhatsApp de Pangéa, où sont mises en commun les propositions de sorties. S’y ajoutent les permanences du jeudi, où on passe dire bonjour, papoter, ou parler de ses problèmes.

«Je ne savais pas que des étudiants comme moi vivaient dans le froid»

«Notre but, c’est d’intégrer tout le monde», pose Océane Bourdenet, 21 ans, la coprésidente de l’association, qui prépare les concours d’entrée des écoles de journalisme. A Pangéa, viennent des étudiants du monde entier, avec ou sans titre de séjour, ou en provenance de l’Union européenne, en échange Erasmus. L’association est née dans la foulée de l’expulsion de la grande jungle de Calais, en 2016 : l’université avait alors mis en place un programme d’accueil des exilés qui souhaitaient rester en France. «Pangéa» veut dire en grec ancien «toutes les terres», référence au temps où les continents n’étaient pas encore séparés.

Océane Bourdenet a décidé de s’engager après une journée de poisse. Des clés de maison qu’elle ne retrouve pas, un homme qui la siffle. Un passant s’interpose, un jeune homme, avec qui elle échange quelques mots. Il est étudiant, comme elle, de nationalité soudanaise. Elle le voit rejoindre le campement précaire en face de chez elle, sur la friche Saint-Sauveur, à Lille. Elle se souvient de sa stupéfaction : «Je ne savais pas que des étudiants comme moi vivaient là, dans le froid. Comment était-ce possible ?»

Un cadeau offert sur un plateau

Aujourd’hui, les étudiants sont espagnols, ukrainiens, ou afghans, comme Masooma, partie de Kaboul à l’entrée des talibans dans la ville. «Je n’ai jamais imaginé qu’un jour je vivrai en France. J’ai appris le français, comme une enfant, en commençant par mon adresse», sourit l’ancienne juriste, 31 ans. Elle a hâte de retravailler. Alors, tout moment pour parler français lui est précieux. «Quand vous voyagez dans un pays que vous ne connaissez pas, vous cherchez une personne à qui parler, pour avoir un ami, et faire des sorties», explique-t-elle. Pangéa, c’est comme un cadeau offert sur un plateau. L’association se présente au début de l’année pendant les cours de FLE (français langue étrangère), et accueille les étudiants intéressés.

Certains ont les moyens de se louer un studio, d’autres raclent les fonds de tiroir pour payer la CVEC, la contribution à la vie étudiante et du campus. «Cent euros, pour eux, ce n’est pas rien», note Océane Bourdenet. «Chaque année, on débloque des fonds pour les aider. Ils n’ont pas accès aux mêmes droits que nous.» Les étudiants français boursiers sont exemptés de cette CVEC, les demandeurs d’asile et les réfugiés aussi. Mais pas les étudiants venant de pays au pouvoir d’achat moindre.