Menu
Libération
Climat Libé Tour Lyon: reportage

A Lyon, un week-end pour se mettre au vert

La troisième étape du Climat Libé Tour s’est tenue les 13 et 14 mai à l’Hôtel de ville de Lyon et à l’Hôtel de la métropole. Un événement pour s’informer et débattre mais aussi planter les graines de l’engagement chez ceux qui s’éveillent tout juste aux enjeux climatiques.

Lors de la première conférence du week-end Climat Libé Tour de Lyon, le 13 mai 2023. (DR. CFJ)
Par
William Minh Hào Nguyen et Margaux Racanière
étudiants au Centre de formation des journalistes (CFJ)
Publié le 17/05/2023 à 15h28
Face au changement climatique, tous les aspects de la ville et de la vie de ses habitants sont à réinventer. Le temps d’un week-end, le Climat Libé Tour a exploré les pistes de réflexion. Un événement auquel se sont associés des élèves de la promotion lyonnaise du Centre de formation des journalistes.

Invités, public, membres d’associations, personnels de la mairie… L’hôtel de ville de Lyon grouille d’activités, en cette matinée du samedi 13 mai. Après Bordeaux et Paris, la troisième étape du Climat Libé Tour se pose au cœur de la grande métropole écolo. «Première porte à droite après avoir monté l’escalier d’honneur, puis c’est la salle du fond», indique le vigile. Face à une estrade où s’alignent la journaliste Salomé Saqué, l’écrivaine Kaoutar Harchi, le philosophe Dominique Bourg et la secrétaire nationale d’EE-LV Marine Tondelier, le public s’installe. Il est 9 h 45, le maire de la ville, Grégory Doucet, a salué l’assistance, la conférence d’ouverture du week-end affiche complet (1).

Transports, rénovation industrielle, végétalisation… Comment trouver des solutions au plus près des territoires ? Tels sont les enjeux de la série d’événements organisés par Libération cette année. Des débats pour s’informer, partager, se sensibiliser. Dans la salle, des cadres, des chômeurs, des étudiants, des enseignants, des agriculteurs, des élus… Ils sont inquiets. En mars, le sixième rapport du Giec présageait une augmentation des températures de 4,4 °C d’ici 2100 dans son scénario le plus pessimiste (sans la mise en œuvre de politiques radicales en matière d’environnement). Face à ce constat alarmant, beaucoup dans la salle admettent leur sentiment d’impuissance.

C’est le cas de Lucas Gervreau, activiste au sein du collectif Dernière rénovation Lyon, invité de la conférence sur l’éco-anxiété, samedi en fin de journée. «Quand j’ai vu que mes proches ne partageaient pas les mêmes inquiétudes que moi, j’étais déprimé au point de vouloir me rouler en boule dans mon lit et ne plus bouger», témoigne-t-il.

Lucidité et engagement

Alors comment agir ? C’est la question que se pose Jérémie, 33 ans. Consultant dans le domaine écologique, il consacre sa vie entière à la cause environnementale. Entendre un activiste comme Lucas Gervreau parler de son découragement et ses doutes «a quelque chose de cathartique», confie-t-il. «On est entouré de personnes qui partagent les mêmes préoccupations que nous, cela donne du courage. Je me sens moins seul dans mon engagement.» Pour autant, «la lucidité n’interdit pas l’action», rappelle le philosophe Dominique Bourg. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de ce week-end du Climat Libé Tour où les personnes interrogées disent être en quête de solutions.

Fin de la première conférence (il y en aura huit en tout), les visiteurs prennent un peu l’air. Après avoir avalé un café dans la cour intérieure du bâtiment (servi dans un gobelet en plastique recyclé, comme il se doit), place aux ateliers. Première porte à gauche après l’escalier d’honneur cette fois-ci. Sur les deux étages, on zigzague entre les files de dédicaces, les tables rondes et les activités thématiques qui varient tout au long du week-end.

Autour d’une table, des participants se penchent sur le jeu de société Planète C, play again ?, savant mélange de jeu de rôle et d’expérience de démocratie directe, inventé par un collectif de 50 chercheurs venus d’universités, associations et bureaux d’études français et suisses. En groupe, les participants doivent prendre des décisions à vitesse grand V pour essayer de subvenir à leurs besoins tout en préservant l’écosystème d’un territoire fictif touché par le dérèglement climatique. «C’est aussi horrible que dans la vraie vie», plaisante une des participantes.

Le deuxième jour, place aux fresques du climat. Celle sur la biodiversité a explosé les records. «On était dix-neuf sur l’atelier, c’était presque trop, s’enthousiasme un des animateurs. Normalement, on prévoit pour maximum quinze personnes.» Sources d’information, les participants aux fresques sont encouragés après leur passage à devenir eux-mêmes «fresqueurs». Il suffit d’avoir participé une fois comme joueur pour pouvoir animer soi-même un atelier. «J’ai fait ma première fresque en ligne pendant le confinement», témoigne Guillaume, chef de projet informatique. «Dans un mois je vais animer une fresque dans mon entreprise, poursuit-il. C’est une des manières de sensibiliser à ces valeurs dans mon domaine professionnel.»

La famille, «première cellule politique»

Car malgré la bonne réception du public présent ce week-end, beaucoup de personnes présentes ont conscience que l’enjeu se porte surtout en réalité sur les absents à l’événement. «On aurait pu mettre des événements répartis dans plusieurs lieux à Vénissieux, Villeurbanne, en banlieue», regrette Léa, 27 ans. Pour toucher ceux qui ne savaient pas, qui restent à convaincre, qui n’habitent pas les centres-villes. «Le plus important c’est d’initier des discussions avec votre famille, dans votre entourage», rappelait en introduction Salomé Saqué, journaliste pour Blast et France Télévisions.

Mais comment parler écologie à sa famille lorsque la personne en face n’est pas réceptive ? C’est l’objet d’un des débats intitulé «Ecologie en famille : comment se faciliter l’attache ?». Les avis divergent vivement parmi les invités. «La famille est la première cellule politique», affirme Elliot Lepers, designer et activiste, qui estime important de nouer le dialogue avec ses proches. Ange Ansour, directrice du programme «Savanturiers», ajoute avec humour : «Moi, j’ai manipulé mon père sans aucun remords. Je l’ai poussé à adopter de nouvelles pratiques et maintenant c’est un écologiste convaincu.» L’écrivaine Marie Desplechin n’est pas d’accord : «Si je ne fais parler que d’écologie à la maison, je vais saouler tout le monde», dit-elle en roulant des yeux. Son expérience rejoint celle d’une mère de famille dans le public, qui témoigne des mêmes difficultés. «C’est plus important pour moi de garder un bon contact avec ceux que j’aime plutôt que de me confronter», explique-t-elle.

Un beau concert de l’orchestre du Nouveau Monde pour lancer la journée de dimanche, deux nouveaux débats et le week-end s’achève. Les discussions s’éternisent dans la cour de l’hôtel de ville. Un enfant d’une dizaine d’années tire désespérément son père, qui veut rester discuter, vers la sortie. Prochain rendez-vous les 14 et 15 octobre à Dunkerque.

(1) La veille, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc, l’urbaniste Jean-Marc Offner, la membre du conseil d’administration de l’association Notre affaire à tous Priscillia Ludosky et le président de la métropole de Lyon Bruno Bernard avaient ouvert le bal dans un débat retransmis en vidéo.