A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
Montée des eaux, recul du trait de côte, tempêtes… A Marseillan (Hérault), station balnéaire nichée entre Béziers et Montpellier, la gestion des risques et l’avenir du littoral ont mobilisé durant huit mois habitants, touristes, élus, associations et acteurs économiques. Des chercheurs de l’université Paul-Valéry de Montpellier ont alimenté et accompagné ces travaux, débats et ateliers, dont la restitution s’est tenue en janvier. Pour Yves Michel, maire de Marseillan, cette concertation citoyenne relève d’une coconstruction de l’avenir : «Les gens sont en demande d’information sur les risques liés au changement climatique ; ils ont témoigné de leurs angoisses face à ces aléas qui menacent leurs activités professionnelles ou leur patrimoine. Ils doivent être associés à toute transition.»
Leurs craintes sont-elles fondées ? «L’élévation du niveau de la mer sera très progressive mais inéluctable, d’autant que le réchauffement de la Méditerranée entraînera davantage d’épisodes méditerranéens et de débordements des étangs», répond Alexandre Brun, maître de conférences en géographie et aménagement à l’université Paul-Valéry. «A Marseillan, nombre de maisons individuelles, de logements collectifs, d’activités ludiques et d’infrastructures ont été construits dans une zone où les aléas, tel l’érosion des plages et la submersion marine, vont s’accélérer.»
«Un cas emblématique»
A l’image d’autres stations littorales, comme Vias ou Sérignan, Marseillan est bicéphale : le village ancien se situe en recul de la côte, côté terre, tandis que la zone touristique s’est ancrée en bord de mer. Dans le cas de Marseillan, ces deux pôles sont séparés par l’étang de Thau. Autant dire que les risques liés à l’élévation du niveau de la mer n’épargnent guère cette commune, qui pourtant ne peut renoncer à la manne touristique. «Sa population passe de 8 000 habitants en hiver à 60 000 en été. Cette très forte fluctuation démographique liée au tourisme fait de Marseillan un cas emblématique», estime Joël Idt, enseignant-chercheur en aménagement et urbanisme à l’université Gustave-Eiffel (1). «Cette commune a été urbanisée massivement pour le tourisme plus ou moins à la même époque que la mission Racine, lancée en 1963 afin d’aménager des stations touristiques en Languedoc-Roussillon. Aujourd’hui, ce vaste parc de logements construits dans des zones potentiellement inondables, mais vides la plupart du temps, interroge. De plus, de nombreux campings se situent en bord de mer», poursuit Joël Idt, qui souligne les forts risques pesant sur ces structures.
Alexandre Brun, lui, pointe les effets pervers de la «cabanisation», un phénomène fort répandu dans cette partie du littoral : d’anciens cabanons, mazets isolés et vieilles cabanes de pêcheurs se sont transformés, au fil du temps et en dépit de toute autorisation, en logements habités à l’année. «Ceux qui vivent dans ces habitats précaires sont particulièrement exposés aux aléas, analyse le chercheur. Et en cas d’incendie ou d’inondation, ils seraient difficiles à contacter.»
Un réaménagement complet s’impose
Certes, Marseillan n’attend pas le pire pour agir : «Nous avons reconstitué des dunes hautes de 3 à 5 mètres le long de la plage, laquelle est réengraissée chaque année avec 8 000 à 10 000 m³ de sable», détaille le maire. Mais ces mesures suffiront-elles ? Ou bien faut-il reconstruire la ville sur elle-même, densifier les zones les moins vulnérables ? «L’acceptabilité sociale de cette solution s’avère limitée, souligne Joël Idt. De plus, la relocalisation pose des questions foncières et des problèmes d’indemnisation que personne ne sait résoudre.»
Mais pour Alexandre Brun, un réaménagement complet du littoral, soucieux des spécificités de chaque site, s’impose : «Il faut imaginer une réorganisation des hommes et des activités dans l’espace en fonction de leur vulnérabilité face aux aléas. L’Etat et les collectivités doivent assumer leurs responsabilités. Inventer les villes littorales de demain, c’est l’occasion de lancer un grand chantier novateur, durable, et apte à générer des milliers d’emplois.»
(1) Marseillan, gérer la petite ville touristique, de Joël Id, Jules-Mathieu Meunier et Lucie Renouet (Popsu-Autrement).