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Biodiversité

A Marseille et alentours, un bestiaire à ciel ouvert

Sangliers, renards, chouettes chevêches, raies… Toute une faune gravite autour de la deuxième ville de France et commence à s’implanter dans des zones urbanisées.

Des sangliers squattent le domaine de Luminy, dans les Calanques. (Georges Robert/La Provence. MAXPPP)
Publié le 08/10/2025 à 19h21

Jeunesse, transports, logement, biodiversité… En 2025, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous gratuits et grand public. Objectif : trouver des solutions au plus près du quotidien des citoyens. Dernière étape de notre édition 2025 : Marseille, les 10 et 11 octobre.

«On peut le dire, les sangliers adorent les scabiosas !» Devant ces vivaces à la fleur violette, Marie-Laure Wavelet en sourit aujourd’hui. Mais début juillet, en pleine période de bouquets de mariage, l’heure est plutôt à «la cata» quand elle découvre les plants «dégommés». Sa ferme urbaine Fleurs de Marseille, installée depuis 2023 au sein du tiers-lieu le Grain de la vallée, dans un vallon à l’est de la ville, a jusque-là passé les saisons sans dégradations de la part de ces mammifères, de plus en plus présents en secteur périurbain. Il y a d’abord eu des «trucs un peu retournés», la floricultrice pense à un chien errant, peut-être. Puis cette matinée, «après la première grosse canicule», où cela ne fait plus de doute : «J’avais les tuyaux d’irrigation sortis, une mare dans mes planches de culture, mes sorghos bousillés, ils avaient commencé à gratter les zinnias.» Et donc savouré aussi les scabiosas. Pas d’autres choix que d’investir dans une clôture électrique, et de faire appel aux copains pour un chantier participatif.

«Cohabitation heureuse»

En se lançant dans la production de fleurs locales et «bien élevées», Marie-Laure Wavelet ne s’imaginait sans doute pas devenir spécialiste des goûts de tout un bestiaire. Les fourmis sont ainsi friandes d’amarantes, de leurs graines plutôt. Elle a trouvé un subterfuge : des têtes de tournesol. «Quand elles sont trop nombreuses, je leur en file, cela me laisse le temps de récolter les fleurs.» A leur propos, elle parle de «cohabitation heureuse», comme lorsqu’au sein de ce relais de biodiversité expérimental, a été vu cette année un bébé hérisson : «On était hyperfiers.»

A l’opposé de la ville, sur les hauteurs de Sainte-Marthe, un hérisson, mais aussi un renard, une fouine, une biche et bien d’autres visiteurs de la nuit sont passés devant les capteurs photos posés par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) au sein de la friche des Quatre Portails. Le site fait l’objet d’une récente convention avec la ville de Marseille et partie des «friches urbaines naturelles» inscrites sur le plan local d’urbanisme. «A Marseille, l’une des villes les plus minérales, bétonisées et 100 % voiture de France, nous avons la chance d’avoir ces 300 friches, qui représentent plus de 200 hectares et constituent, dans leur grande majorité, des réserves de biodiversité inestimables», relève Christine Juste, adjointe au maire en charge de l’environnement.

Aux Quatre Portails, «un spot en termes d’écoute», les naturalistes ont aussi pu entendre la fameuse chouette chevêche d’Athéna, qui a récemment valu à un promoteur marseillais d’être jugé pour avoir délogé cette espèce protégée d’un terrain de Château-Gombert, dans le 13e arrondissement. «Nous allons y installer un nichoir», continue Chloé Piccinin, chargée de mission Nature en ville au sein de LPO Paca. L’association porte aussi une forte attention aux chauves-souris et martinets, qui reviennent chaque année au printemps siffler haut dans le ciel marseillais et vont nicher dans les cavités des bâtiments. «Nous organisons des recensements, pour indiquer aux services d’urbanisme de la ville les lieux de nidification, menacés lors des rénovations de façade», explique-t-elle. Reste que la LPO est toujours sollicitée pour les goélands – les gabians, selon le terme local – qui «font du bruit sur les toits» mais dont, assure-t-elle, «la population se stabilise», même si elle s’est déplacée des îles du large de Marseille au centre-ville.

Des chèvres divagantes

Après l’Estaque, vers la Côte bleue, il est une autre population animale avec laquelle les habitants doivent cohabiter de plus en plus : «Tout l’été, on nous a appelés pour des chèvres sauvages, des touristes surtout. Les gens du Rove savent que ce ne sont pas les nôtres, bien reconnaissables à leurs cornes», soufflent Shaina et Delphine, qui tiennent le magasin de la brousse du Rove de la famille Gouiran, éleveurs depuis plusieurs générations. Sur l’autoroute A55, mais aussi sur les départementales du massif de la Nerthe, des panneaux indiquent leur présence sur les routes : difficile de les faire bouger, même à coups de klaxon, quand elles ont décidé de trouver un coin d’ombre sur le bitume.

Ces chèvres s’aventurent aussi jusque dans les jardins. «Il y a une quinzaine d’années, elles étaient dans les collines, cet été, à cause de la chaleur, de la sécheresse et des incendies, elles sont descendues nombreuses chercher de la nourriture», explique Michel Illac, le maire d’Ensuès-la-Redonne, l’une des communes concernées. Mais surtout, les bêtes divagantes – à l’origine un couple abandonné dans une ancienne bergerie – se sont démultipliées. «Elles seraient aujourd’hui près de 1000», rapporte l’édile, quand son confrère de Châteauneuf-les-Martigues double l’estimation. Des opérations de capture et stérilisation ont eu lieu : il y a deux ans, un petit troupeau est parti chez Kem One, un fabricant de PVC à Fos-sur-Mer, faire du débroussaillage naturel. Michel Illac réfléchit à réactiver une opération similaire.

En tant que président du Parc marin de la Côte bleue, une autre bestiole a animé aussi son été. Plusieurs raies pastenagues violettes, au dard venimeux, ont pour la première fois été observées non loin des rives. «C’est la conséquence du réchauffement climatique», se désole-t-il. Des raies qui feraient bien d’être prudentes, car cet été, a été aperçu et filmé dans la rade de Marseille, tranquille en train de nager… un sanglier.