Coincée entre l’autoroute A7 et deux copropriétés pavillonnaires, la ferme Capri est un espace vert inattendu dans le 15e arrondissement de Marseille. Depuis 2021, sur un terrain municipal de moins d’un hectare, la Cité de l’agriculture fait pousser une centaine de variétés de légumes de saison : patates douces, gombos, piments… La production maraîchère cultivée sur un sol vivant, composé de couches de compost, de broyat et de fumier, est essentiellement destinée aux habitants du quartier. Le mercredi, jour d’ouverture au public, et une fois par mois, au marché de la Cité des arts de la rue, tout près, ils peuvent venir remplir leur panier à un prix accessible. En 2022, sur 3 700m2 cultivés, Capri a produit 2 tonnes de légumes. «Cette ferme est un laboratoire pour notre association qui veut accélérer la transition agroécologique des villes en se basant sur la pratique agricole urbaine et l’alimentation durable», explique Jean-Baptiste Rostaing, responsable du pôle coopération et du projet foncier urbain au sein de la structure de 12 salariés, fondée en 2015.
«Créer un cadre favorable»
La ferme Capri est une expérimentation à plusieurs titres. «En dehors de l’hypercentre, Marseille dispose de nombreux terrains en friche qui étaient agricoles il y a quelques décennies et où il est possible de pratiquer une culture productive, en pleine terre, poursuit Jean-Baptiste Rostaing. Leur surface varie entre 1 000 m² et un hectare.» Une aubaine à condition de pouvoir récréer un sol qualitatif en écartant ceux qui sont pollués et en amendant ceux qui sont éligibles. «Souvent ces espaces vierges ont servi de décharge sauvage ou de lieu de stockage de matériel divers pour le voisinage», explique Elise Chaintrier, qui coordonne l’accueil des publics à la ferme Capri, où une année d’amendement des sols a été nécessaire. Pour favoriser l’agriculture urbaine, l’association doit aussi identifier les propriétaires des terrains, étudier la viabilité économique d’une mise en culture et mettre en relation propriétaires et candidats à l’installation.
«On réalise le travail d’instances qui existent dans le monde rural, résume Jean-Baptiste. On aide à lever les freins techniques, par exemple étudier avec la métropole la possibilité d’irrigation des parcelles.» Ce travail sur le foncier urbain est l’un des grands chantiers de la Cité de l’agriculture, parallèlement à l’animation d’un réseau d’agriculture urbaine, la mise en place de formations ou la sensibilisation du grand public. «Pour créer un cadre favorable à l’émergence d’initiatives, on se fait le porte-voix du terrain auprès des collectivités, ajoute Jean-Baptiste. On va par exemple œuvrer avec elles pour faire appliquer une tarification eau agricole là où c’est une eau potable classique qui sort du tuyau.»
Des initiatives vertueuses germent
Parfois, des initiatives vertueuses germent toutes seules. C’est le cas en 2021 d’un partenariat avec l’association Malezi qui lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans le 15e arrondissement. «Nous avons suggéré à la ferme Capri de planter des piments pour que les femmes de notre association puissent ensuite les transformer en sauce. Un vrai succès ! Il y a eu un souci climatique en 2023, mais en 2022, on a produit 1 000 bocaux, explique Ali Yamani, responsable de Malezi. La prochaine étape sera de travailler ensemble sur le modèle économique de cette activité de transformation et sur la commercialisation.» La ferme Capri est bien un laboratoire.