Il fait froid, moins de 10 degrés dans le centre-ville de Montpellier, ce matin du 5 décembre, mais à près de 200 mètres sous terre, la température est de 15°, constante toute l’année. Un atout de la géothermie, choisie pour se chauffer en hiver et se rafraîchir en été par l’Institut Agro, grande école publique de l’agriculture, l’alimentation et l’environnement située sur un immense campus de trente hectares.
Sous nos pieds, une chambre de répartition, cavité aménagée dans le sous-sol où les sondes géothermiques sont installées. «Il y a 44 sondes dans les forages que nous avons creusés à la verticale, à une profondeur moyenne de 190 mètres», détaille Victor Mendes, chargé d’affaires de Dalkia, responsable du chantier. Au sol, des tranchées sont encore visibles, là où les foreuses ont fait de minces percées dans le sol. Pas simple, dans la terre argileuse. «Imaginez que vous êtes à la plage et que vous creusez un trou dans le sable…, il se remplit très vite de grains de sable», illustre le trentenaire au casque blanc, gilet orange et chaussures de sécurité.
La clé de voûte de ce dispositif est dissimulée dans un local technique, au rez-de-chaussée d’un bâtiment de l’établissement public d’enseignement supérieur. Là, trône depuis peu une énorme pompe à chaleur raccordée au champ de sondes par deux gros tuyaux, encore en phase de test. «Elle transfère la chaleur puisée dans le sol vers les bâtiments à chauffer en rehaussant la température du réseau en place», expose Victor Mendes. Elle restitue ainsi au moins quatre fois plus d’énergie qu’elle n’en consomme. A l’inverse, à la belle saison, elle évacue la chaleur venant des bâtiments vers le sol.
Grâce à un pilotage centralisé, cette énergie verte desservira à partir de la fin de l’année treize bâtiments jusqu’ici chauffés au gaz, qui représentent un tiers de la consommation énergétique du campus. «On remplace le gaz par la chaleur venant du sol à hauteur de 90 % des besoins en chauffage», précise Laurent Mussot, du service patrimoine de l’Institut Agro. La géothermie couvrira aussi 76 % des besoins en climatisation. Soit «une économie totale de 450 Mégawatts sur l’énergie primaire», ajoute-t-il. Un grand pas vers la réduction des consommations d’énergie (- 40 % d’ici à 2030). Le vaste campus, où loge également l’Institut national de recherches en agriculture, alimentation et environnement (Inrae), est d’autant plus concerné qu’il abrite des moulins, une grande serre et des laboratoires gourmands en énergie, en plus de nombreux bureaux, salles d’enseignement et logements pour étudiants.
Mais rien n’aurait pu se faire sans des subventions importantes, en ces temps de fortes restrictions budgétaires dans le secteur public. L’investissement de deux millions d’euros dans la géothermie est financé par l’Agence de la transition écologique (Ademe) à hauteur de 700 000 euros et la direction de l’immobilier de l’Etat (450 000 euros). Dalkia, avec qui l’Institut Agro a signé un contrat de performance énergétique, porte le reste du financement. Pour le rembourser, l’établissement d’enseignement supérieur lui verse une redevance sur investissement pendant seize ans.
Malgré des coûts élevés d’investissement, la géothermie a des avantages incomparables : c’est une ressource locale, invisible, économe, très performante et durable, selon l’Ademe. Au point que l’engouement pour cette énergie verte se maintient dans le secteur tertiaire, des logements collectifs aux hôpitaux en passant par les immeubles de bureaux ou les maisons de retraite. La métropole de Montpellier vient ainsi d’équiper son nouveau quartier Cambacérès, destiné à abriter 450 000 m² de bâtiments tertiaires, d’une centrale de géothermie sur nappe souterraine. Les premiers bâtiments desservis sont ceux de la gare Sud de France et de la Halle de l’innovation qui héberge des start-up. L’investissement de 17,5 millions d’euros est financé pour un quart par l’Ademe. Pour, là aussi, souffler le chaud, en hiver, et le froid, en été.