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Gratuité des transports: analyse

A Montpellier, pour en finir avec la chère bagnole

Gratuité des transports : un ticket pour la ville ? dossier
Pour les 500 000 habitants de la métropole de Montpellier, le 21 décembre est le premier jour de la gratuité totale des transports en commun. Une mesure conciliant «écologie et social» selon la collectivité qui table sur une envolée de la fréquentation.
A Montpellier, en 2022. (Eric Beracassat/Hans Lucas)
par Solange de Fréminville, correspondance à Montpellier
publié le 15 décembre 2023 à 9h30
Fin décembre, les 500 000 habitants de la métropole de Montpellier bénéficieront de la gratuité des transports dans les bus et les trams. Une mesure à imiter dans toutes les villes de France ? Rendez-vous le 21 décembre, à l’Opéra Comédie pour un débat sur les enjeux de la mobilité. Entrée libre sur inscription.

C’est la ruée sur le pass gratuité. A l’approche du 21 décembre, date à laquelle les transports en commun ne seront plus payants pour les presque 500 000 habitants de la métropole de Montpellier (Hérault), la demande s’envole, avec 1 000 pass de plus par jour. La collectivité compte sur «une hausse sans précédent» de la fréquentation du réseau, en référence à l’expérience des pionniers, Dunkerque (Nord), Compiègne (Oise), ou Tallinn en Estonie : «Aucune mesure n’a eu autant d’impact», assure Julie Frêche, vice-présidente de la métropole déléguée aux Transports. Instaurée depuis trois ans le week-end, puis élargie aux mineurs et aux seniors, la gratuité a multiplié par deux la fréquentation des transports en commun par les moins de 18 ans et par 1,5 celle des plus de 65 ans, selon la collectivité.

La mise en place de la gratuité totale s’inscrit dans un plan ambitieux en faveur des mobilités alternatives à la voiture, qui mise d’abord sur les transports publics : une cinquième ligne de tramway et l’extension de la première ligne (mise en service en 2025), 17 rames supplémentaires pour augmenter la capacité des trams, et la création de cinq lignes de bus à haut niveau de service – dits bus-trams – d’ici à 2028, complétées par des parkings relais aux portes de Montpellier pour inciter les automobilistes à laisser là leur véhicule et une offre de covoiturage gratuit (Klaxit). Mais la métropole met aussi le paquet sur la petite reine, en développant pistes cyclables, réseau express vélo et de quoi garer les bicyclettes, sans oublier une aide à l’achat d’un vélo à assistance électrique qui a séduit 40 000 personnes.

La gratuité fait débat

Autre mesure phare de cette politique destinée à rompre avec le tout voiture, la métropole a fermé l’hypercentre de Montpellier au trafic de transit. Et revu le plan de circulation de la ville, en réduisant la place laissée à l’automobile et en limitant la vitesse à 30 km/h, sauf sur les grands axes. Premiers résultats notables de ces transformations radicales : une baisse de 11 % du trafic automobile, entre 2019 et 2022, et une envolée de la part du vélo dans les déplacements domicile travail (12,5 % en 2022 contre 7,5 % en 2017) à Montpellier.

Pour autant, la gratuité des trams et bus fait débat. Dans son récent rapport sur les transports publics métropolitains, la chambre régionale des comptes Occitanie pointe que la collectivité se prive de plus de 30 millions d’euros de recettes tirées de la vente des titres de transport à ses habitants. «C’est financé par la progression du versement mobilité des entreprises», rétorque Julie Frêche, soulignant par ailleurs que «l’entretien des routes coûte 42 millions d’euros à la métropole.» Une dépense depuis longtemps financée par l’impôt, sans que personne ne s’en offusque.

«Une mesure radicale»

C’est aussi l’efficacité de la gratuité qui suscite le scepticisme. Va-t-elle vraiment augmenter durablement la fréquentation des transports en commun ? «Ce qui compte, c’est la qualité du service», autrement dit sa fréquence et sa régularité, estime Yanis Ruelle, du collectif des usagers des transports de Montpellier. «Le risque, c’est que la gratuité se mette en place au détriment de l’offre de transport», abonde Alenka Doulain, opposante municipale, du mouvement citoyen NousSommes. Une offre «réduite sur plusieurs lignes postérieurement à la crise sanitaire pour compenser le développement de la gratuité», selon le rapport de la chambre régionale des comptes, qui déplore également «une offre de lignes de bus peu attractive», d’une «fréquence moyenne de trente minutes, portée à une heure, voire deux heures le dimanche». Le collectif des usagers ne compte plus les doléances sur les lignes saturées ou cumulant «des retards».

Mais la surcharge de plusieurs axes de circulation résulte aussi d’un paradoxe : le périmètre de la métropole montpelliéraine est étriqué au regard de son aire d’attraction, dont viennent une grande partie des voitures qui la congestionnent. «Les parkings relais ne sont utilisés qu’à 50 %», regrette Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de sa métropole, qui compte sur sa politique d’investissement massif dans l’offre de mobilités alternatives pour apaiser la circulation, améliorer la qualité de l’air et le bilan carbone du territoire. Levier majeur de cette «trajectoire de transition», selon lui, la gratuité est «une mesure radicale» qui «concilie écologie et social», en permettant «aux habitants de laisser leur voiture, alors que le prix de l’essence atteint 2 euros le litre».