Comment faire rimer éducation et innovation ? A l’occasion des 20 ans du Café pédagogique, Libération organise avec des enseignants et nos invités une journée de débats et d’échanges, le 25 novembre à Paris. En attendant ce forum, rencontres avec quelques professeurs.
«J’ai reçu un prix pour un travail collectif autour de la création d’une radio scolaire au collège. Les élèves préparaient l’émission et, une fois par semaine, nous faisions un direct. L’ensemble des profs ont utilisé le média radio pour travailler différemment dans leur matière, et cela a créé un réel élan dans le collège. Certains surveillants y ont participé et il y a même eu des intervenants extérieurs. Ce fut très vivant.
«Un autre projet qui a très bien marché, c’est celui que nous avons construit en binôme avec Aurore Coustalat, une collègue d’anglais, autour de l’univers d’Harry Potter. Nous avons recréé Poudlard dans le collège en investissant un étage entier de l’établissement. Chaque professeur a travaillé avec sa classe en fonction de sa discipline. Les élèves ont écrit des lettres – prétendument celles qu’Harry Potter envoyait à Poudlard – et nous les avons ensuite suspendues avec des fils de pêches au plafond ; un laboratoire a servi au prof de physique pour réaliser, avec les élèves, des expériences – comme la fabrication de l’encre invisible ou des hologrammes, avec des images projetées sur du plexiglas, ou encore un atelier “fond vert” pour s’initier aux joies du vol en balai ! Le professeur d’EPS a également installé un Quidditch [sport de balle issu de l’univers imaginaire de J. K. Rowling, ndlr] dans la cour. La réalité augmentée, qui a aussi fait partie de l’expérience avec le journal de la gazette du sorcier, a permis, grâce aux iPad, de donner vie aux histoires et aux personnages.
«A vrai dire, je ne travaille plus que comme ça. Tous les étés, je me creuse la tête pour trouver une idée qui sera le fil rouge du programme de la classe. Cette année, j’ai une classe de 4e. Ils sont conservateurs d’un musée virtuel qui sera inauguré au mois de juin. Chaque salle représente une séquence du cours, les œuvres sont les séances et ils doivent créer l’audioguide de la salle.
«Tout cela me vient de manière instinctive. Je n’ai pas beaucoup de talent artistique mais mon don c’est de développer la créativité chez les élèves, et c’est ce qui me motive. Je me dis qu’un apprentissage ne peut pas se faire sans désir de l’apprenant. Cette façon de travailler m’est venue avec l’échec, tout simplement. Faire cours de manière classique n’intéressait plus les élèves. Sans cette confrontation à l’échec, je pense que je n’aurais jamais rien changé. J’ai compris qu’il fallait se débarrasser des certitudes, des habitudes, et savoir se remettre en question quasiment au quotidien pour devenir un “enseignant-chercheur” sur sa propre pratique.
«Je veux aussi rendre hommage au café pédagogique qui a été un tournant dans ma carrière. Le forum des enseignants innovants était le premier événement en France où les profs pouvaient vraiment échanger. Ça manque énormément dans le paysage éducatif français, et pour nous c’était une sacrée mise en lumière de notre travail. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans cette initiative courageuse et audacieuse, et je pense que je parle au nom de beaucoup de collègues.»