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Tribune

A quand une politique de diversité dans les écoles de journalisme ?

Les chiffres de l’Arcom démontrent la faible représentation des minorités dans les médias français. Pour y remédier, la solution se trouverait à la racine, dans les formations au métier.
Saint-Ouen, photographié des collégien·nes de 5ème du collège Joséphine Baker. Le projet est porté par Métropop'! dans le cadre du dispositif "Culture et Art au Collège" du département de la Seine-Saint-Denis. (metropop'! et les collégien·nes)
par Nassim Kashkooli, étudiante en journalisme, membre de "Prenons la une junior "et de l’Association pour la diversité et l’inclusion dans les médias
publié le 13 juin 2025 à 21h23

Comment, à 20 ans, penser un futur plus désirable avec légèreté et joie ? Comment avoir confiance en l’avenir sans baisser les bras ? Pour sa deuxième édition, le festival Place à demain s’installe à Paris, au Palais de la Porte Dorée, le samedi 14 juin.

Dans les salles de rédaction comme sur les plateaux télé, la France qui s’exprime est encore trop souvent blanche, diplômée, parisienne, valide, hétéro. Le manque de diversité dans les médias est criant. En 2023, selon l’Arcom, seules 15 % des personnes perçues comme non blanches apparaissaient à la télévision. Les femmes sont sous-représentées parmi les experts invités, les personnes handicapées invisibilisées, les journalistes ouvertement LGBTQIA + restent rares. Pour changer cela, il faut agir à la racine : dans les écoles de journalisme. Car la plupart des journalistes en sont issus.

La diversité dans les médias ne se limite pas à une question de représentation. Elle permet d’élargir les regards, de mieux comprendre la complexité des enjeux sociaux, de poser des questions que d’autres ne poseraient pas. Elle garantit une information plus juste, plus complète, plus proche du réel. Il ne s’agit pas d’ajouter une «caution diversité» pour se donner bonne conscience, mais de reconnaître la plus-value que représente un journaliste issu d’une minorité, par son vécu, ses références, sa sensibilité, ses réseaux.

Le journalisme est l’une des professions les plus endogames de France. Dès 2004, une étude de Géraud Lafarge et Dominique Marchetti révélait que les élèves des écoles de journalisme étaient très majoritairement issus des classes moyennes et supérieures. Cette homogénéité sociale perdure. Les données sur les étudiants racisés, LGBTQIA + ou en situation de handicap sont rares, faute de statistiques ethniques ou d’enquêtes institutionnelles. Mais les témoignages concordent : l’entre-soi est la norme. Les femmes représentent 48 % des titulaires de la carte de presse, mais seulement 20 % d’entre elles occupent des postes de direction. Selon l’Arcom, elles ne constituent que 40 % des personnes visibles à la télévision.

Certes, quelques dispositifs ont vu le jour. L’ESJ Lille, en partenariat avec le Bondy Blog, propose une prépa égalité des chances pour les étudiants boursiers. L’association La Chance forme chaque année des dizaines d’étudiants précaires aux concours des écoles reconnues. Radio France a signé des partenariats avec Mozaïk RH pour recruter plus d’alternants issus de la diversité sociale. Mais ces initiatives restent trop peu nombreuses, trop ponctuelles, et reposent souvent sur l’engagement de quelques individus. Il n’existe pas, en France, de politique nationale de diversité dans les écoles de journalisme.

Former vos équipes aux enjeux de diversité

Pourtant, les pistes existent : financements publics pour les prépas égalité des chances, réforme des concours, collecte de données sur la composition sociale et raciale des promotions, renforcement des aides sociales… Il est aussi indispensable de former les enseignants à traiter avec rigueur, sensibilité et sans préjugés des violences envers les femmes, des questions d’identité, des discriminations raciales, des réalités du handicap, des migrations, ainsi que des enjeux liés à la précarité sociale. Un féminicide n’est pas un crime passionnel, tous les migrants ne sont pas des réfugiés, et un Arabe n’est pas forcément musulman. Sans cela, on perpétue des stéréotypes au lieu d’informer.

Si les écoles de journalisme n’ouvrent pas grand les portes à toutes les jeunesses de ce pays, alors les médias continueront de raconter une France partielle, incomplète, biaisée. Il ne s’agit plus seulement d’alerter, mais d’agir. Vous, directions d’écoles et responsables de formations, avez la responsabilité de réduire les barrières à l’entrée, de diversifier vos jurys et de former vos équipes aux enjeux de diversité. Et vous, pouvoirs publics, devez soutenir une véritable politique nationale en dotant les établissements des moyens nécessaires. Ce n’est qu’à ce prix que les médias pourront enfin refléter toutes les voix de la société.