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«Nous voulons qu’en toutes hypothèses, et en dernier ressort, la femme, et la femme seule, soit libre de choisir. Nous considérons que l’acte de procréation est un acte de liberté, et aucune loi au monde ne peut obliger une femme à avoir un enfant si elle ne se sent pas capable d’assumer cette responsabilité.» Ces mots, Gisèle Halimi les prononce en 1971, année de publication dans le magazine le Nouvel Observateur du Manifeste des 343. Ce texte rassemble des personnalités déclarant faire partie des «millions de femmes [qui] se font avorter chaque année en France». A l’époque, il s’agit de se battre pour obtenir le droit à l’avortement, interdit, bien que largement pratiqué dans l’ombre et l’insécurité sanitaire.
Adoptée par l’Assemblée nationale en décembre 1974 et promulguée début 1975, la loi Veil légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), autorise le geste avant dix semaines de grossesse. Un tournant qui va se prolonger avec son remboursement par la sécurité sociale dix ans plus tard et un premier allongement du délai qui passe à douze semaines en 2001.
«Répondre en urgence à la demande»
Malgré toutes ces avancées, peut-on pour autant parler d’un combat terminé ? En 2020, Marianne Lainé, médecin et cofondatrice de l’Institut médical Simone-Veil à Rouen, suit de près les débats sur le nouveau projet d’allongement du délai : «J’ai tout lu», évoque la scientifique, «c’était très pauvre, il y avait peu de contradictoire. L’IVG concerne plus de 200 000 femmes par an. Légiférer pour les 5 % de femmes en délai limite est bien entendu une chose à gérer mais ce qu’il faut surtout, c’est améliorer l’accès et la prise en charge précoce pour toutes les autres». C’est par ce constat qu’elle décide la création de l’Institut qui ouvrira l’année suivante. Les IVG médicamenteuses – qui représentent 78 % de l’ensemble des IVG d’après des statistiques publiques – étant autorisées en ville depuis les années 2000.
Derrière le nombre de ces interventions pratiquées chaque année en France (234 300 enregistrées en 2022), se cache un parcours encore bordé d’obstacles pour les personnes souhaitant y avoir recours. Parmi les problématiques soulevées empêchant une prise en charge optimale : des rendez-vous tardifs, de longs délais pour passer une échographie et un manque de formation des médecins. «On peut avoir l’impression qu’avec toutes les lois passées sur l’avortement, on est tranquille, explique le docteur Lainé, mais ça reste un sujet. Une femme qui perd quinze jours, c’est grave, et on doit améliorer ça. On se doit de répondre en urgence à la demande. Cela ne veut pas dire pratiquer l’avortement en urgence, mais répondre à ce besoin c’est un devoir de la société et également en tant que soignant.»
Constitutionnaliser, «c’est symbolique»
A l’institut, des rendez-vous peuvent être proposés jusqu’à 20 heures si besoin, le samedi, ou encore pendant les vacances de Noël. Sur une année, le centre a pratiqué plus de 1 500 consultations et environ 500 IVG. La perspective est celle d’une prise en charge globale : informer, rassurer, proposer un soutien psy en amont ou à la suite de la procédure ou un accompagnement juridique si nécessaire.
Et c’est parce qu’elle plaide pour une amélioration concrète «dans le quotidien des femmes en France» que la praticienne ne voit pas l’éventuelle entrée dans la Constitution du droit à l’avortement comme un changement majeur. «Compte tenu des difficultés des démocraties à se maintenir au fil des siècles, il est important qu’il y ait des garde-fous, mais c’est symbolique», dit-elle.
Aujourd’hui, la contrainte principale du fonctionnement du centre est son financement, qui n’est pas pérennisé. Dans un monde idéal, le souhait du docteur Lainé serait de voir pousser un Institut médical Simone-Veil dans chaque département.