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Libération
Reportage

A Volonne, les petites mains à la tâche

Gérées par des bénévoles, les initiatives citoyennes se multiplient autour d’un écoquartier du village des Alpes-de-Haute-Provence. De quoi recréer convivialité et partage.

Un potager et un poulailler partagés, mais aussi une gratuiterie, une friperie et même une maison de santé... une quinzaine de projets citoyens se sont déployés à Volonne. (Claire Jachymiak)
ParMathilde Frénois
correspondante à Nice
Publié le 21/10/2025 à 17h10

Comment réconcilier métropoles et campagnes, périphéries et centres-villes, écologie et habitat ? Plongée, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu) dans les initiatives qui améliorent les politiques urbaines.

Il n’est plus possible d’arpenter les ruelles d’un village de France sans tomber sur une boîte à livres. Ces petites bibliothèques permettent l’échange de bouquins et sont généralement gérées par des bénévoles. Ce principe a inspiré Volonne (Alpes-de-Haute-Provence), où les 1 700 habitants ont porté, répété et extrapolé ces initiatives citoyennes. On retrouve évidemment l’incontournable boîte à livres, mais aussi une «gratuiterie», un potager et un poulailler partagés, une maison de santé, une «écopromenade», un nettoyage de vallons… Une action participative qui a redynamisé la vie du village.

L’histoire de Volonne ressemble à celle de tant d’autres communes. Les années 2000 ont emporté avec elles le dynamisme de la démographie, du petit commerce et des services publics. Mais Volonne refuse de se laisser asphyxier derrière ses murs de pierres. Il y a six ans, la commune fait sortir de terre un écoquartier de quatre hectares au cœur de son centre ancien. «Il en existe très peu en milieu rural. C’est l’un des rares de la région Paca, pointe Emeline Hatt, maîtresse de conférences en aménagement et urbanisme, qui mène un programme de recherche sur Volonne. Il regroupe la mairie, l’école primaire, la crèche et s’étend jusqu’à l’école élémentaire.» C’est autour de cet écoquartier qu’ont conjointement foisonné les initiatives citoyennes. «Le village est emblématique de cette coconstruction entre collectivité et concitoyens», note la deuxième spécialiste de l’urbanisme du programme de recherche, Séverine Bonnin-Oliveira.

Premiers cadeaux de Noël

Il y a dix ans, Marie-Chantal Savin s’est demandé comment «mieux recycler les déchets et consommer différemment». Cette infirmière à la retraite a eu l’idée de la gratuiterie. Des citoyens récupèrent des objets que d’autres ont donnés. «Inspirée par les boîtes à livres», elle a monté et présenté le projet, trouvé le local et le concept. Il y a beaucoup de vaisselle («ça part très bien», dit Marie-Chantal Savin) et beaucoup d’électroménagers («ça dépanne»). Le rayon enfant a du succès car la gratuiterie est située à côté de l’école. C’est d’ailleurs ici que les enfants trouvent leurs premiers cadeaux à glisser au pied du sapin quand ils ne croient plus au père Noël. «La gratuiterie fonctionne très bien car il y a une émulation au niveau des citoyens, estime Marie-Chantal Savin. Mais aussi parce qu’elle est portée par la politique actuelle qui favorise les initiatives.» C’est en effet la mairie qui prête le local.

Une quinzaine de projets citoyens sont déployés ou sont en cours de déploiement. Séverine Bonnin-Oliveira parle de «choc» entre ce «petit village» et le «nombre d’initiatives». «Il n’y a pas de motivation plus forte à Volonne qu’ailleurs, analyse la maire sans étiquette, Sandrine Cosserat. C’est la posture qu’on prend au niveau de la collectivité qui change. On a le pouvoir de donner des envies citoyennes.» Elle opte pour «une posture d’écoute et de facilitation». Une méthode «assez chronophage» mais «très satisfaisante» qui demande l’organisation de «réunions le soir et le week-end» : «A chaque fois que ces initiatives prennent corps, on crée du bien-vivre ensemble, poursuit-elle. Chacun s’y met, fait une petite part et exprime ses envies.» Les médecins ont ainsi pu «cocréer» leur maison de santé. Ils s’approprient alors mieux les lieux.

Balisage de quatre écopromenades

A Volonne, il y a aussi des associations qui sortent de leur sommeil. Catherine Roux-Bailet a réveillé les Vieilles Pierres volonnaises. L’association ne s’occupe plus uniquement du patrimoine mais aussi des jardins partagés, d’une friperie, du balisage de quatre écopromenades. Ses membres ont «nettoyé un vallon devenu décharge» et «arraché une plante envahissante». «Quand vous portez un projet comme ça, ça motive les gens et on arrive à mobiliser les citoyens, soutient Catherine Roux-Bailet. Mais cela demande de l’énergie.»

Bien sûr, parfois, il y a «des tensions, des négociations», pointe Séverine Bonnin-Oliveira. L’impact du voisinage sur les terrains de pétanque et la localisation de la cantine ont été au cœur des débats. Et quand les citoyens ont végétalisé leur devant de porte, ils ont empiété sur la voie publique. «A un moment donné, on peut poser la question : est-ce qu’on peut laisser l’individualisation des pratiques sur tout type de projet ? pointe la maître de conférences. Quand ça se développe trop, la municipalité doit encadrer.» Un concours de jardins fleuris a finalement été organisé. Et puis certains projets se sont essoufflés dans le temps : le poulailler n’existe plus. Mais d’autres initiatives ont solidement pris racine. Cela fait maintenant huit ans que les jardins partagés et que la gratuiterie tournent. Les citoyens de Volonne n’ont pas fini de donner leurs objets et leur temps.