Scandales sanitaires, crises climatiques, politiques de santé…, le Campus Condorcet organise le 21, 22 et 23 mars 2024 trois jours de débats et de rencontres sur le thème du «prendre soin». En attendant l’événement, dont Libération est partenaire, nous publierons sur ce site interviews, reportages et enquêtes sur les thématiques du forum. A découvrir, du 21 mars au 30 avril, l’exposition «Navigating the system».
Joseph Cook et Nura Ali sont anthropologues, Caitlin Vinicombe est photographe. Ils ont monté ensemble «Navigating the system», un projet de documentation et d’exposition photographique autour des habitants qui vivent sur la Tamise et connaissent des difficultés d’accès aux soins. Ils détaillent leur travail.
Les gens qui vivent sur les bateaux à Londres, sur la Tamise, n’ont pas de bonnes relations avec les soins. C’est une communauté de voyageurs, qui ne sont pas toujours très fortunés. Si la majorité d’entre eux possède leurs bateaux, il y en a de toutes sortes, des plus vétustes aux plus luxueux. Parce qu’ils se déplacent sans cesse, ils n’ont pas d’adresse fixe, ce qui les empêche d’avoir accès aux soins, car pour y prétendre il faut justifier d’une adresse stable…
Ils souffrent également d’isolement et de solitude, de par leur mode de vie. Ce sont autant des problèmes physiques que mentaux (dépression, troubles psychiques) auxquels ils sont confrontés. Comme ils se chauffent généralement au charbon, ils sont donc exposés aux particules fines, et sujets à des maladies respiratoires. Ils ne possèdent pas de connexions aux réseaux électriques ou à l’eau, à la différence d’une ville comme Amsterdam aux Pays-Bas où ces services existent et fonctionnent très bien. Chacun de ces navigants est en quelque sorte «hors système». De nombreux bateaux datent d’au moins 150 ans.
Ce qui leur plaît dans cette existence, c’est le fait de rencontrer des gens différents, de changer d’endroit régulièrement, d’être plus en relation avec la nature. On rencontre tous les types de profils sur ces bateaux, des gens qui ont pu vivre sans-abri, des étudiants mais aussi des médecins, des avocats…
Ce que montre notre projet, c’est que le secteur public est inflexible avec les gens flexibles. Dans l’exposition photographique, il y aura une partie d’entretiens menés avec ces «bateliers», qui expriment les défis qu’ils rencontrent avec le système de santé. Caitlin Vinicombe a elle-même habité pendant huit ans sur un bateau. Elle fait donc partie intégrante de cette communauté et sa recherche a été éminemment «participative», ce qui lui a permis d’aborder cette population de manière plus aisée. «Ma perspective leur correspondait, les photos seront meilleures, car les gens étaient prêts et voulaient partager, abonde la photographe. On est dans la même équipe et ce qu’on veut montrer correspond à leurs attentes. Il y a un niveau de respect qui s’est installé, un point de vue éthique. Ils ont fait en quelque sorte partie du processus. Les gens sont venus et ont montré leur bonheur de participer à ce projet et se sont finalement trouvés assez bien représentés. Un médecin a dit pour conclure que ce qui était bon pour les bateliers l’était aussi pour le reste de la société».