Tous les territoires engagés pour des solutions solidaires, le département de la Gironde, la ville de Bordeaux, la fondation Jean-Jaurès, Libération et plus de 60 organisations composant le Pacte du pouvoir de vivre proposent de débattre de six grandes solutions. Solidarité, emploi, alimentation, pour en discuter : rendez-vous le 9 février prochain dans les locaux du département de la Gironde et les 10 & 11 février à l’université de Bordeaux pour le «Climat Libé Tour» (entrée gratuite sur inscription).
Une douzaine de personnes écoutent attentivement la présentation. Ce jeudi de mi-janvier, à Dieulefit (Drôme), durant près de deux heures, ces habitants vont faire connaissance autour d’un thème qui sonne comme un défi : bien manger tout en étant solidaire et se nourrir de manière durable et égalitaire. A rebours de ce qu’impose l’industrie agroalimentaire. Dans cette petite commune de la Drôme, un projet d’expérimentation d’une sécurité sociale de l’alimentation (SSA) devrait être lancé au début de l’été. Un dialogue, de courtes vidéos explicatives et un verre partagé : cette soirée est le premier «apéro découverte» qu’animent Diane, ouvrière agricole, Laurence, aide médico-psychologique et également ouvrière agricole, et Sophie, la pharmacienne du village.
Françoise, retraitée, est venue car elle s’intéresse à «l’alimentation locale». Sophie, qui exerce une profession indépendante entre Paris et Dieulefit, suit dès qu’elle peut «les problématiques de développement durable». Stéphane et Patricia sont apiculteurs et ont été des piliers, durant des années, de l’antenne locale des Restos du cœur. Aujourd’hui, ils ont «plein de choses à apprendre» afin de «lier les difficultés à se nourrir de toute une population et l’agriculture bio», explique Patricia. C’est l’ambition de la SSA : garantir au plus grand nombre l’accès à des denrées de qualité, vertueuses pour les conditions d’exercice des paysans comme pour les terres qu’ils cultivent.
L’idée : bénéficier chaque mois, sans condition de revenus, d’un montant fixe pour acheter des produits conventionnés, c’est-à-dire désignés par un comité local. Ceci pour «enrayer la faim, transformer la charité en droit, permettre une alimentation choisie, redonner de la souveraineté au peuple, s’exempter des grosses firmes de l’agro-industrie, créer du collectif, rendre les citoyens plus conscients», égrène Laurence à Dieulefit. La Drôme compte parmi une trentaine de territoires à œuvrer pour l’avènement de cette «démocratie alimentaire» sous l’impulsion d’associations et de collectifs d’habitants, de professionnels de l’agriculture, de l’alimentation et de l’éducation populaire.
Exigeant et ambitieux
Il y a les pionniers de Montpellier (Hérault), où une caisse commune fonctionne depuis près d’un an, bénéficiant à plusieurs centaines de personnes. Elles cotisent entre 1 et 150 euros par mois pour recevoir en retour une allocation de 100 euros. A la fin de l’été, le Comité local de l’alimentation de Cadenet (Clac), dans le Vaucluse, a également lancé sa caisse. A Lyon, le projet est en phase préalable sous l’égide de l’association Vers un réseau d’achats en commun (Vrac), qui crée des groupements d’achat dans les quartiers populaires pour rendre abordables des produits bios et locaux. Boris Tavernier, cofondateur et délégué général de Vrac, se félicite de cette «dynamique vraiment intéressante qui part d’expérimentations locales, notamment en ruralité».
«On a besoin de prouver que ça marche, toutes ces initiatives vont arriver en même temps, on va les mettre en réseau pour massifier les bonnes pratiques, explique-t-il. C’est un travail de fourmi d’embarquer les gens, c’est difficile d’être patient dans une période d’urgence mais il y a ce temps indispensable de la preuve par l’exemple.» Et de presser l’Etat à ne pas rester «aveugle sur le sujet» : «Il doit s’y intéresser car c’est une réponse possible à la crise sociale, alimentaire et environnementale.» En Gironde, le projet de SSA devrait aboutir au printemps à la création de quatre caisses, réparties de la métropole bordelaise aux zones rurales du Pays foyen et du Bazadais. Sa spécificité est d’associer une dizaine d’organisations issues du travail social, de l’alimentation durable, de l’économie sociale et solidaire, de la recherche, à deux collectivités : le conseil départemental de Gironde et la municipalité de Bordeaux.
De janvier à juin 2023, une quarantaine de citoyens ont planché sur une charte de conventionnement. Ce principe est l’un des piliers de la SSA, hormis ceux de l’universalité et de la cotisation. L’objectif : que les mangeurs se réapproprient la chaîne de production et de transformation de leur nourriture. Cette charte s’appuie sur cinq critères : localité des produits, accessibilité et inclusivité, transparence et juste rémunération, durabilité des pratiques agricoles et bien-être au travail. «Ce sont des critères exigeants, ambitieux, il peut y avoir du chemin pour les atteindre, reconnaît David Fimat, coordinateur du projet chez Vrac Bordeaux. Le but est justement qu’ils servent de base à un échange pour accompagner les points de vente» au fil de leur métamorphose.