La nouvelle ministre de l’écologie porte dans son titre la «prévention des risques». Ce n’est pas une mission inédite de ce ministère et même l’une de celles pour lesquelles un de ses prédécesseurs, aujourd’hui Premier ministre, a laissé sa signature avec le fameux fonds de prévention des risques naturels majeurs dit «fonds Barnier». Mais dans un contexte de changement climatique, on a envie de croire qu’il ne s’agit plus uniquement de gérer les risques que l’on a toujours connus mais bien de s’adapter au nouveau contexte climatique. Agnès Pannier-Runacher a d’ailleurs trouvé sur son bureau un projet de Plan national d’adaptation (le PNACC3) prêt à être mis en consultation.
L’expression «adaptation au changement climatique» est trompeuse. Elle laisse penser qu’il s’agit de s’ajuster au fur et à mesure des impacts constatés : de composer avec la sécheresse qui est déjà là, de reconstruire après les inondations, etc. C’est majoritairement ce que l’on fait jusqu’ici et ça coûte très cher aux finances publiques. Comme on le notait dans une étude en avril dernier («Anticiper les effets d’un réchauffement de+4 °C : quels coûts de l’adaptation ?») sans politique plus ambitieuse, les réactions spontanées qui sont observées représentent déjà plusieurs milliards d’euros par an. Ce sont par exemple près de 2 milliards pour les dommages assurés sur le bâtiment pour les risques de retrait-gonflement des argiles et d’inondation. On pourrait de même évoquer les centaines de millions d’euros d’aides de crise en agriculture. Et ce alors même qu’on l’on dispose, grâce à la recherche scientifique, d’informations extrêmement riches sur ce qui nous attend et que des options d’anticipation sont quasi systématiquement disponibles.
Des services publics qui ont suffisamment de marge de manœuvre
Mieux utiliser ces projections pour mieux anticiper, c’est précisément l’objectif du PNACC3 que l’on attend de pied ferme. La principale nouveauté de ce plan – celle qui pourrait structurellement changer la donne – est le partage d’une trajectoire de réchauffement de référence. La prise en compte systématique du climat futur selon les hypothèses partagées de cette trajectoire est une manière efficace pour enfin arrêter de regarder dans le rétroviseur et concrétiser un «réflexe adaptation» dans tous les investissements structurants. La trajectoire est sur la table, reste à lui conférer une valeur normative.
Sur cette base, il sera possible de faire de réels choix d’adaptation : d’intégrer le sujet aux travaux de renouvellement des réseaux de transport, d’orienter les aides à l’agriculture ou au tourisme, de garantir que les bâtiments resteront vivables l’été, etc. Tout cela aura inévitablement un coût mais se donner les moyens de poser cette question maintenant est la meilleure manière de minimiser ce coût et de faire en sorte qu’il ne soit pas porté uniquement par les finances publiques.
Et quand on n’aura pas les moyens de réduire les risques en amont il faudra garantir que l’on se prépare à les gérer en aval, par plus de maintenance, par des niveaux de service adaptés (en ralentissant des trains ou en fermant des bâtiments aux heures trop chaudes) et en dernier recours par des services de secours, des pompiers aux hôpitaux, suffisants.
Ces choix sont nationaux mais ils sont aussi territoriaux. Réduire la vulnérabilité des forêts aux évènements climatiques, penser à l’habitabilité estivale quand on rénove un bâtiment, arrêter d’investir dans des aménagements inadaptés, renforcer les capacités de résilience… tout cela passe par des services publics qui ont suffisamment de marge de manœuvre pour bien faire les choses. Pour de nombreux opérateurs de l’Etat comme pour les collectivités, ce sont des missions nouvelles (la Cour des comptes le relevait ce mois-ci dans le cas de l’Office national des forêts) et c’est maintenant qu’il faut les équiper pour être en mesure de les remplir.
La sortie du PNACC3, qui inclut également des mesures d’accompagnement des acteurs territoriaux, est donc définitivement nécessaire pour que chacun puisse avancer sereinement sur ce sujet.