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Tribune

Assistance sexuelle : qu’attendons-nous pour essayer ?

Par Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap.

(Cheschhh/Getty Images)
Par
Pascale Ribes
Présidente d’APF France handicap
Publié le 05/09/2025 à 11h44

«En France, pays des libertés, nous, personnes en situation de handicap, n’avons pas le droit d’avoir une vie sexuelle… Je veux que les choses changent officiellement.» «Nos corps ne peuvent être touchés que pour des actes d’hygiène ou des soins ? Nous avons aussi besoin de tendresse et d’affection !» «J’ai des soucis pour assouvir mes besoins sexuels. Je suis infirme moteur cérébral. Ce dont j’ai besoin, c’est qu’on m’aide dans de bonnes conditions.» Nils, Mario et Flore, adhérents APF France handicap, expriment la réalité de nombreuses personnes en situation de handicap qui, du fait de leurs corps empêchés, sont privées de toute vie intime, affective et sexuelle.

Cette privation, synonyme de discrimination et de stigmatisation, peut générer de la souffrance, des difficultés à se construire et à développer une estime de soi, des tensions à l’intérieur des familles, voire des situations de violence…

De fait, les personnes en situation de handicap sont condamnées à vivre une abstinence non choisie. Elles ne sont pas reconnues comme des êtres sexués, des êtres humains à part entière.

Elles sont dépossédées de leur capacité à choisir pour elles-mêmes, pour leur vie.

Pourtant, de nombreuses aides humaines et techniques existent pour permettre aux personnes en situation de handicap d’accomplir les actes de la vie quotidienne comme se lever, manger, se déplacer, etc., des actes qui relèvent des besoins fondamentaux et vitaux de tout un chacun : pourquoi n’existerait-il aucune réponse pour leur permettre de vivre leur sexualité ?

La santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie. Et le droit d’entretenir des relations sexuelles est reconnu comme un droit fondamental consacré par la notion d’autonomie personnelle, composante du droit au respect à la vie privée et familiale de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les personnes en situation de handicap exigent de l’État l’accès à une éducation complète à la sexualité et l’accès aux services de santé sexuelle pour leur permettre d’atteindre le meilleur état de santé sexuelle. Le Danemark, la Suisse, les Pays-Bas ont fait le choix de l’assistance sexuelle. Quand en sera-t-il de même en France ? Chez APF France handicap, nous disons qu’il y a urgence.

«Ce n’est pas un tabou»

Des centres ressources Intimagir ont été créés pour informer et orienter les personnes en situation de handicap sur leur vie intime, affective, sexuelle, la parentalité et les violences sexuelles. En 2021, le Comité Consultatif National d’Ethique a proposé de tester «un accompagnement aux gestes du corps», renvoyant la question de l’assistance sexuelle à une décision politique. En 2023, le Conseil national consultatif des personnes handicapées a, lui, préconisé l’expérimentation d’une assistance sexuelle.

Le président de la République lui-même déclare lors de la Conférence nationale du handicap d’avril 2023 : «Avoir une vie comme tout le monde, c’est aussi avoir une vie affective, amoureuse, intime et sexuelle. Ce n’est pas un tabou, c’est un enjeu de bien-être, de santé.» Pour la première fois, les planètes sont alignées pour lever tous les freins et lancer enfin une expérimentation d’assistance sexuelle dans un cadre légal, éthique et supervisé.

Reconnaître les personnes en situation de handicap comme des sujets de droits et non comme des objets de soins passe aussi par un accès effectif à une vie intime, affective et sexuelle. C’est une question de droits humains et de dignité humaine. Qu’attendons-nous ?