Menu
Libération
Tribune

Au-delà du récit, seuls comptent les échanges

Transition écologique : le temps des villes et des territoiresdossier
Par Caroline Granier, docteure en Sciences économiques et cheffe de projet à La Fabrique de l’industrie.
(Donald Iain Smith/Getty Images)
par Caroline Granier, docteure en Sciences économiques et cheffe de projet à La Fabrique de l’industrie
publié le 19 juin 2024 à 13h51

A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.

On entend partout vanter les mérites du storytelling : il nous manquerait ainsi un «récit» national pour mener la transition écologique, un autre pour réussir à réindustrialiser le pays, un troisième encore pour sortir de l’idéal métropolitain, etc. Nouvelle méthodologie de recherche pour les uns, manière de fédérer les populations autour de valeurs communes pour les autres, le récit serait selon ses plus fervents défenseurs l’histoire qui permettrait à tous les coups de se projeter dans un avenir commun, et donc de structurer les décisions politiques.

Mais forger un récit, de surcroît optimiste et crédible, pour fédérer les forces en faveur de la réindustrialisation ou de la transition écologique, c’est accepter l’unicité des mots pour rendre compte de situations diverses. Peut-on en effet créer un récit qui tienne compte pleinement de la diversité des territoires et de leur singularité, de telle sorte que chacun s’y retrouve effectivement ? C’est aussi créer de la linéarité et des causalités entre des faits distincts, alors même que les transitions – ou bifurcations dirait plutôt Pierre Veltz – supposent une certaine rupture.

De là naissent deux questions. La première est celle de la cible de cette évangélisation par le récit : qui a besoin d’un récit national en réalité ? Ceux qui conçoivent et pilotent les politiques économiques ou ceux qui y sont assujettis ? Dans les territoires, les acteurs locaux savent parfaitement ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin pour avancer, sans avoir besoin de se raccrocher à un storytelling. Je ne peux citer ici toutes les initiatives existantes en matière de redynamisation industrielle, étudiées par l’observatoire des Territoires d’industrie. Ces territoires ont besoin de solutions pragmatiques aux problèmes qu’ils rencontrent pour mener leur projet de territoire et atteindre leurs objectifs. Et derrière ce mot «pragmatique», il faut entendre «des moyens».

La seconde question est celle de l’utilité réelle du récit. Ne s’agit-il pas seulement – c’était d’ailleurs le sujet du colloque Popsu – de créer des liens, des échanges, du dialogue entre les parties prenantes d’un même territoire ? Chercheurs, experts, acteurs locaux, tous veulent construire des liens, et pour cause ! Partout les initiatives locales achoppent sur le problème des maillons manquants : entre les élus et les industriels, entre territoires voisins, entre autorités publiques situées à différents échelons administratifs et bien sûr entre ministères.

Le récit, au fond, n’est qu’une forme de désir de dialogue parmi d’autres.