Le festival de films de montagne itinérant «Montagne en scène», qui a lieu dans les plus grandes villes de France, de Belgique, de Suisse et d’Italie, fête ses 10 ans. Une décennie durant laquelle on a pu constater une évolution technique impressionnante (avec notamment la généralisation des prises de vues par drone), l’apparition de films 100% féminins (tandis que l’on observe désormais 50% de spectatrices dans les salles) et une part de plus en plus importante donnée à la mobilité douce. «Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est qu’un bon film de montagne est toujours constitué de beaucoup d’émotion, une joie intense, des larmes et des douleurs», expliquent les créateurs du festival, Cyril Salomon et Manon Grimwood. Retour sur un documentaire qui a également été diffusé ce week-end à Autrans.
Comment savoir ne pas aller trop loin
Avec Nuptse, l’inaccessible absolu de Hugo Clouzeau, nous voici partis vers des sommets fascinants à travers trois expéditions sur ce pic de 7 742 mètres, voisin de l’Everest et du Lothse au Népal. Et invités à une réflexion sur l’effort, la solidarité, le renoncement. Comment savoir ne pas aller trop loin en montagne ? Ne pas se mettre en danger… Tels sont les enseignements déclinés par ce film plein de suspense.
Le documentaire est ainsi l’occasion de découvrir les coulisses d’une ascension hors-norme, faire la différence entre le style himalayen et alpin. Le second (sans portage ni sherpas) est plus direct. «Tu montes, tu montes et plus tu montes, plus il est malaisé de redescendre. Avec l’himalayen, au contraire, la progression et le fait de tendre des cordes permettent de redescendre et d’y aller plus progressivement», racontent les alpinistes Hélias Millerioux, Frédéric Degoulet et Benjamin Guigonnet.
On y apprend encore ce qu’est l’acclimatation à ces hauteurs de dingue – il faut parfois rester un mois pour s’adapter. Et cet engagement n’est pas de tout repos. «Ça rigole pas le Nuptse», reconnaîtra un des protagonistes sur le point de pénétrer dans le «couloir de la mort», un passage où les pierres tombent, où les avalanches menacent et où les alpinistes ne savent pas ce qui les attend en haut.
«On est finalement que de petits hommes sur une grande montagne»
Ils renonceront cette fois à 350 mètres du sommet. Difficile décision. «Dans ces cas, tu cherches un bouc émissaire», dit l’un d’eux. «Ce n’est plus qu’une question d’ego», ajoute un autre. Ce sont des philosophes, ces alpinistes, qui «transforment en obsession de repartir la dépression d’avoir dû plier bagage». Nouvelle tentative l’année suivante, en 2017. Finalement, ils auront mis trois ans pour y arriver, et constatent après coup qu’ils sont «libérés» après avoir conquis le sommet. «J’ai mis du temps à m’en remettre, raconte l’un d’eux. Je me voilais la face par rapport au danger. On est finalement que de petits hommes sur une grande montagne.» «Quand ils arrivent au sommet, la séquence est montrée dans son intégralité. Pas de joie, de la tristesse… Je voulais amener le spectateur à éprouver le sentiment des gars», explique de son côté Hugo Clouzeau. Pourquoi pleurent-ils ? « Il y avait quelque chose de mystique dans leur aventure. »
«Les mecs te font croire que c’est une grande blague, cette ascension… Ils rigolent, il y a beaucoup de dérision, poursuit le réalisateur. Je pense que c’est comme cela qu’ils supportent l’engagement, en dédramatisant.» Hélias Millerioux : «Pourquoi va-t-on là-haut ? Il n’existe jamais de réponse. L’esprit de cordée, d’amitié qui nous a liés pendant trois années ? Avec Fred, on n’a jamais retrouvé quelque chose de similaire. Ce sont des émotions très personnelles.» Et Frédéric Degoulet de conclure : «Cette dernière grande expédition en altitude, c’est une chose inaccessible dont on rêve. Derrière, on n’a plus rien. Il y a un grand vide.»