Initiative citoyenne, le Festival des Idées organise, du 4 au 6 juillet à la Charité-sur-Loire, plus de 30 rendez-vous pour débattre des défis culturels et politiques de demain. Un événement dont Libération est partenaire.
Migrants, immigrés, primo-arrivants, clandestins, réfugiés, exilés, étrangers, expats, nouveaux arrivants. Les noms ne manquent pas pour nommer celles et ceux qui viennent de loin. Mais les espaces sont si rares pour faire entendre nos voix. On ne nous connaît pas et pourtant l’immigration demeure un sujet très présent dans les médias. Nous sommes venus en fuyant une guerre, une situation de persécution, par amour pour une Française ou un Français, pour faire nos études, pour faire de la recherche, pour lancer un projet entrepreneurial, pour avoir des meilleures opportunités, entre autres. La population étrangère vivant en France s’élève à 5,6 millions de personnes, soit 8,2% de la population totale (Insee). Les personnes bénéficiant d’une protection internationale représentent, quant à elles, moins de 1%. Derrière ces chiffres, il y a une multiplicité d’histoires et de visages, de rêves et de désirs. Nous voulons vivre une vie quotidienne car quand on migre, la normalité devient un privilège.
Migrant associé à la défiance
Mais aujourd’hui, nous faisons face à un regard sécuritaire, à un Etat qui nous traite comme une menace. Le «migrant» est réduit à une image associée à l’illégalité, à la défiance et à la peur. C’est une narration imposée et clivante, le fantasme d’un «nous» et d’un «vous». Or la haine ne naît que lorsqu’on ne connaît rien de l’autre. La migration est toujours assimilée à la crise comme si nous en étions la cause et les solutions. Aujourd’hui les événements dépassent l’entendement : rafles des migrants en France, campagnes de déportation en masse aux Etats-Unis, accords entre des pays européens et pays tiers, pratiques de push-backs dans la Méditerranée.
L’humanisme, si important dans l’histoire de l’Occident, est mis à mal. Pourtant, à travers nos actions et nos vécus, nous ne ressemblons pas à ce que l’on dit de nous. Face aux crispations réactives, au climat d’anxiété et d’impuissance, nous décidons de faire ensemble. Face au grand discours de haine et de la violence institutionnelle écrasante, nous saluons les actions solidaires. C’est à travers ces gestes que se dessine une autre France : celle qui sait accueillir, comme ce fut le cas au début de la guerre en Ukraine. Ce sont les citoyens avec leurs actions qui créent une société solidaire, inclusive et généreuse : l’hébergement citoyen, le bénévolat au sein des associations, la DG qui embauche quelqu’un qui n’a pas un parcours «typique», le boulanger qui emploie un apprenti avec un long parcours d’exil et des difficultés, la professeure d’université qui met en place un programme en soutien des étudiants exilés, les élus qui proposent des lois pour améliorer les conditions d’accueil, le voisin qui aide avec la garde d’enfants pour que la mère puisse faire des cours de français, le citoyen qui mène des actions locales.
Face aux grands discours de haine, des «petites actions» citoyennes… et une action publique à la hauteur !
Ce sont aussi les citoyens qui peuvent défendre les droits fondamentaux des étrangers quand nos droits sont bafoués. Car, quand on attaque une partie de la société, c’est l’entièreté qui se voit fragilisée. Cette question se pose à toutes et à tous : quelle est la tolérance que chacune d’entre nous peut avoir vis-à-vis de la brutalisation de la vie des étrangers ? Quelle est notre capacité, individuellement, à nous sentir concernés par des existences que nous ne connaissons pas ?