Le 11 novembre, Libé s’installe à la Cité de la Musique pour 24 heures de festival. Au programme : rencontres entre la rédaction et le public autour de masterclass, de débats, de spectacles vivants, de concerts…
Sur le diaporama, des visages de prisonniers politiques ou de victimes de violences policières défilent, assortis d’une pensée pour «toutes les libérations qui attendent encore». Voici comment débute le débat sur la crise structurelle que traverse la démocratie, qui a réuni dans l’amphithéâtre de la Cité de la musique le député européen Raphaël Glucksmann, l’ancien Premier ministre du Bénin Lionel Zinsou et Oleksandra Matviichuk. Cette dernière, avocate ukrainienne spécialisée dans la défense des droits humains, rappelle d’emblée l’acuité du sujet : «Aujourd’hui, la démocratie rétrécit à la taille d’une cellule de prison.» Epaulée par une traductrice, elle poursuit : «Les générations actuelles sont nées avec la liberté et l’Etat de droit. Elles les considèrent comme acquis, naturels.» Mais la vérité, c’est que ces valeurs sont fragiles, et qu’«il faut les protéger tous les jours». Originaire de Kyiv, Oleksandra Matviichuk – directrice de l’ONG Centre ukrainien pour les libertés civiles –, lutte chaque jour pour collecter les preuves des crimes de guerre commis par la Russie dans son pays. Et pour faire comprendre que ce n’est pas qu’une «guerre entre deux Etats, mais une guerre entre l’autoritarisme et la démocratie».
Une formule que partage «entièrement» Glucksmann. «La guerre n’a pas débuté le 24 février 2022. Et elle ne se limite pas aux frontières de l’Ukraine», martèle l’eurodéputé. Devant la salle comble, les trois invités insistent : il est plus que jamais nécessaire de se mobiliser. Empruntant la formule de sa voisine, l’essayiste plaide pour que les «démocrates par héritage» se transforment en «démocrates par conviction». Le public acquiesce, mais le débat est vaste. «Il nous faudrait deux heures», s’amusent les modérateurs de Libé.
«Pas habitué aux discours brefs», Raphaël Glucksmann évoque le feu vert donné il y a quelques jours par la Commission européenne en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et insiste : «C’est une opportunité immense pour l’Union européenne. On va intégrer des citoyens qui savent ce que c’est de se battre, chaque jour, pour la démocratie.» Assis sur la chaise d’à côté, Lionel Zinsou hoche la tête. Et appelle le public à ne pas se montrer défaitiste. «L’Europe n’est pas condamnée à un aller simple vers l’extrême droite.» La défaite du PiS aux élections législatives polonaises, le 15 octobre, le démontre : «En se mobilisant, il est possible de revenir à la règle de droit», sourit l’ancien Premier ministre. Oleksandra Matviichuk tente la synthèse : «Notre avenir est flou et incertain. Mais nous avons une chance de lutter pour l’avenir que nous voulons pour nous et pour nos enfants. Saisissons cette chance.» Le débat se termine dans une salve d’applaudissements.