Le 11 novembre, Libé s’est installé à la Cité de la musique pour 24 heures de festival. Au programme de cet anniversaire : rencontres entre la rédaction et le public autour de masterclass, de débats, de spectacles vivants, de concerts…
«On est piégé dans un récit qui veut maintenir le monde tel quel.» Dans l’amphithéâtre de la Cité de la musique samedi 11 novembre, Laurence Tubiana, la célèbre «architecte» de l’Accord de Paris, ne mâche pas ses mots. Devant elle, les spectateurs – venus en nombre – l’écoutent attentivement, dans cette conférence intitulée «Climat, l’urgence. Comment rêver dans le réel ?». Assis à ses côtés, Cyril Dion et l’essayiste Marielle Macé hochent la tête. «Notre modèle économique actuel a été construit par les hommes. Mais ce n’est qu’une fiction, qu’on pourrait transformer», renchérit le réalisateur de Demain. L’air sérieux, il évoque ensuite la «réalité physique» : celle du réchauffement climatique. Qui, elle, est loin d’être une fiction. «Et en plus, c’est irréversible.»
L’enjeu désormais : inventer un nouveau discours, pour rendre la sobriété enfin désirable. «Il faut réfléchir à d’autres abondances» que les biens matériels, insiste Marielle Macé, chercheuse au CNRS et à l’EHESS. «Des abondances de liens, de connaissances, de temps. Rêver d’autre chose, on en a besoin», poursuit l’autrice, sous une salve d’applaudissements. «Comment ont-ils réussi à persuader les gens que travailler beaucoup, pour acheter des voitures et des vêtements qu’on va ensuite devoir laver chaque week-end, c’était ce dont ils avaient envie ?» ironise Cyril Dion. «C’est vrai ça», chuchote un spectateur dans la salle, hilare.
Sur scène, les invités s’interrogent : face au modèle dominant – ultra-consumériste –, comment faire émerger ce récit alternatif, plus respectueux de l’environnement ? «Avec des films, des séries», souffle le réalisateur. En effet, «difficile d’entraîner des millions de personnes vers un autre monde, si on n’est pas capable de d’abord imaginer à quoi il ressemblerait». Une «bataille culturelle», en somme. Avec Demain, c’est ce qu’il s’est produit, analyse Dion. «Après avoir vu le documentaire, une personne qui travaillait dans la pub» a eu un déclic : «Elle est devenue maraîchère en Ardèche ! Alors mettons de l’énergie dans ces projets. Qui sait ce que ça peut donner ?»
Pointant la salle comble, Laurence Tubiana sourit : «L’imaginaire est déjà en train de se transformer.» Aux côtés de l’ex-négociatrice en chef à la COP 21, Cassandra, lycéenne, prend finalement la parole. Dans vingt ans, elle aura à peine 36 ans. Alors «forcément», elle est éco-anxieuse. Pourtant, les yeux rivés sur le public, l’adolescente l’assure : «Adopter un mode de vie écoresponsable, c’est beaucoup plus satisfaisant que ce qu’on imagine. S’acheter une éthique, ça rend heureux.» Sourire aux lèvres, elle aura mis tout le monde d’accord.