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Libération
24h de Libé

Aux 50 ans de «Libé», Isabelle Huppert «en toute fluidité»

La grande actrice s’est livrée ce samedi 11 novembre dans l’amphithéâtre de la cité de la Musique à l’exercice de la masterclass pour répondre, devant les lecteurs de «Libé», à une question : comment incarner un personnage devant la caméra ?
Isabelle Huppert. (Montage Libération avec Frédéric Stucin)
publié le 11 novembre 2023 à 20h56

Pour ses 50 ans, Libé s’installe ce samedi 11 novembre à la Cité de la Musique pour 24 heures de festival. Au programme : rencontres entre la rédaction et le public autour de masterclass, de débats, de spectacles vivants, de concerts…

«A quoi tient votre capacité à vous métamorphoser pour rentrer dans les personnages ? A votre fluidité ?» Hilarité générale après cette question, on ne peut plus sérieuse, posée par le public dans l’amphithéâtre plus que bondé de la Cité de la Musique. Mais l’interrogation inspire celle que tant de lecteurs de Libé sont venus voir ce samedi 11 novembre en fin d’après-midi : Isabelle Huppert, artiste multi-récompensées (deux Césars d’interprétation féminine, un prix de la meilleure actrice à Cannes, un Molière d’honneur, un Golden Globes...) et qui a su mener de front et à l’international une double carrière de cinéma et de théâtre : «J’aime beaucoup ce compliment, souffle avec un sourire l’actrice. C’est notre façon de nous déplacer, de bouger, qui crée notre personnage. Comme disait Chantal Ackerman, un personnage se définit d’après ses chaussures. Sa façon de marcher. Jouer c’est donc bien une question de mouvement»

Solide, liquide : incarner un personnage au cinéma ou au théâtre, c’est d’abord une affaire d’état. «Au cinéma on joue une succession d’états, on ne joue pas un personnage.» Mais, déjà, parler de personnage sonne comme un non-sens pour l’actrice. «Jacques Doillon répétait sens cesse que l’idée de personnage n’existe pas, explique d’une voix douce Isabelle Huppert. Et j’aime bien cette idée. C’est vrai que les acteurs jouent d’abord des personnes, le personnage c’est un contour qu’il faut faire exploser.»

Exploser les carcans du cinéma

Le dernier réalisateur qui a braqué sa caméra sur Isabelle Huppert ne peut mieux représenter cette idée. «En 2023, on vous retrouve à nouveau dans l’œil du cinéaste coréen Hong Sang-soo, précise Didier Péron, rédacteur en chef adjoint au service culture de Libération. Il est très connu pour travailler de manière atypique.» L’actrice ne peut qu’acquiescer. Eclater les carcans du cinéma, ce réalisateur sud-coréen le fait jusque dans son équipe.

«Sur le dernier film, on était trois, confirme Isabelle Huppert. Il n’y avait plus de chef-op, Hong Sang-Soo fait lui-même la lumière.» La salle rit une fois. «La caméra est tellement petite qu’on ne la voit pas.» Deux fois. «Il n’y avait pas de script.» Trois fois. «Et il n’y avait pas d’ingé-son, juste une fille avec une perche.» Hilarité générale. Isabelle Huppert aurait pu révéler en exclusivité le titre du long-métrage à Libération mais… «Je l’ai oublié.» A quoi ça tient, un scoop…

Mais cette totale liberté n’est pas pour déplaire à l’artiste. «C’est vrai que Hong Sang-Soo, comme Paul Verhoeven avec qui j’ai pu tourner, ne me donnait pas d’indication.» De quoi interloquer ses interviewers, Didier Péron et Sandra Onana, cheffe adjointe du service Culture. «Mais le cinéma se passe d’explication. De mots. C’est un langage qui s’élabore sur l’instant. Ici et maintenant.» Le cinéma c’est «la puissance du moment».

Puissance du moment et puissance assourdissante des applaudissements d’un auditoire presque fanatique. Alors d’une fluidité fraîchement acquise, Isabelle Huppert cherche à s’éclipser. C’est mal connaître son public : il ne partira pas sans grimper sur scène et arracher in extremis un selfie.