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Le temps des villes et des territoires: enquête

Aux «capitales de la biodiversité», l’arbre ne cache plus la forêt

Transition écologique : le temps des villes et des territoiresdossier
L’initiative menée depuis 2010 récompense des projets d’aménagement écologique. Elle avait cette année pour thème la forêt.
A Saint-Symphorien-de-Lay (Loire), dans le jardin collectif communal de la Tête-Noire, en août 2022. (Veronique Popinet/Veronique Popinet)
par Virginie de Rocquigny
publié le 23 novembre 2023 à 10h40
(mis à jour le 28 novembre 2023 à 17h28)

Restauration des haies bocagères, gestion forestière, soin accordé aux arbres urbains… Dans le cadre du concours «capitale de la biodiversité», les communes et intercommunalités étaient invitées en 2023 à présenter leurs actions phares autour du thème des arbres et de la forêt. «Pour chaque édition, on déniche des pépites parmi les dossiers que l’on reçoit», s’enthousiasme Gilles Lecuir, animateur du concours depuis 2010 et chargé d’études à l’agence régionale de la biodiversité en Ile-de-France.

C’est la métropole de Rouen qui a été élue capitale de la biodiversité cette année. Du soin porté aux tilleuls des villes jusqu’à l’entretien des arbres têtards des haies agricoles, l’intercommunalité a présenté un panel d’actions complet. Riche de 66 000 hectares de forêts, la métropole anime depuis 2005 une charte forestière de territoire et mène une politique dynamique d’acquisitions foncières, qui lui a permis de porter à 200 hectares la surface de forêts propriété de la métropole. «Dès qu’une parcelle est mise en vente et qu’elle jouxte une forêt domaniale ou communale, nous nous portons acquéreurs, précise Hugo Langlois, élu en charge des forêts et de la biodiversité. L’objectif est bien sûr de pouvoir permettre aux habitants d’accéder à ces espaces librement mais aussi d’exploiter le bois, afin d’alimenter en ressources locales nos chaudières biomasses.»

Le comité scientifique et technique chargé d’étudier les candidatures réunit 45 experts, paysagistes, spécialistes des politiques publiques, naturalistes ou écologues. Machine à récolter les bonnes idées, le dispositif se veut aussi une source d’inspiration auprès des élus et des agents. «C’est un peu la pédagogie par la preuve, soutient Gilles Lecuir. L’idée est de donner envie mais aussi de rassurer sur la faisabilité des projets. Quand on voit que d’autres l’ont fait, cela fait tomber les résistances.»

Les plus petits ne sont pas les moins innovants. La preuve avec un village de 181 habitants, Vals-des-Tilles, en Haute-Marne, qui s’est fait remarquer dans la catégorie des moins de 2 000 habitants. Situées sur le territoire d’un parc national, les forêts de la commune accueillent les travaux du centre de ressource «Forêt Irrégulière Ecole», expert sur une méthode de gestion bien particulière, la sylviculture mélangée à couvert continu. «C’est une forme d’exploitation du bois qui prend en compte l’ensemble de l’écosystème, l’opposé de la coupe rase, résume Gilles Lecuir. Cet exemple très inspirant peut donner des pistes sur la résilience de la forêt à d’autres collectivités.»

Le chêne pédonculé, source de nutriments pour 520 espèces d’insectes

La commune savoyarde de La Motte-Servolex a été distinguée dans la catégorie moins de 20 000 habitants. La collectivité a développé dans sa forêt communale de moyenne montagne un réseau d’îlots de sénescence, parcelles abandonnées à une évolution spontanée jusqu’à l’effondrement complet des arbres et à leur renaissance par des semis naturels. Ces espaces sont suivis de près par des équipes de recherche, qui scrutent autour des chablis (les arbres tombés naturellement) les insectes, les oiseaux, la flore et les champignons.

Dans le Nord, Villeneuve-d’Ascq a été remarquée pour son travail fin de connaissance des arbres urbains. «Tous n’ont pas la même importance quant à la biodiversité, rappelle Yohan Tison, écologue et élu en charge de la biodiversité de la ville. Un platane, espèce introduite, n’accueille que deux types d’insectes exotiques quand un chêne pédonculé, espèce de chez nous, c’est 520 insectes qui s’en nourrissent !» Pas question donc de choisir des arbres sur catalogue selon des critères esthétiques : chaque plantation fait l’objet d’une réflexion à la fois sur le type de sols où l’arbre déploiera ses racines et sur le rôle qu’il jouera pour la faune locale. «On considère l’arbre comme un être vivant à part entière, qui rend de multiples services écosystémiques et joue un rôle de régulateur essentiel pour faire face aux îlots de chaleur urbain», poursuit l’élu.

En Vendée, sur le territoire très agricole du Pays de Pouzauges, c’est une initiative au profit des haies qui a été récompensée. L’intercommunalité a créé l’association Bocage d’Avenir, dont l’objectif est de rémunérer les services environnementaux rendus par la bonne gestion des haies existantes dans les exploitations agricoles. Enfin, pour la troisième fois depuis que ce concours existe, Strasbourg est lauréate. Un prix qui récompense notamment l’important travail de concertation mené par la collectivité pour étendre dans ses forêts des zones de quiétude laissées en libre évolution forestière. «La commune a supprimé des chemins mais aussi des routes bitumées afin de réduire la fréquentation de certains sites», conclut Gilles Lecuir.

L’édition 2024 du concours est d’ores et déjà ouverte aux candidatures sur le thème de la sobriété et de la biodiversité.