La plus grande critique des énergies renouvelables porte sur l’intermittence de leur production. Comment répondre à ce désavantage par rapport à l’énergie nucléaire qui, au-delà des problèmes de maintenance dus à un sous-investissement, permet de délivrer une électricité décarbonée en continu ? Le stockage a longtemps été laissé de côté, aussi bien par les particuliers qui ont installé des panneaux photovoltaïques en raison de son coût, que par des grandes entreprises de l’énergie au vu du développement encore balbutiant du solaire et de l’éolien. Mais avec l’essor très rapide de ces derniers depuis plusieurs années, de grands projets sortent de terre à travers le monde. A Cernay-les-Reims, un projet de stockage doit, par exemple, permettre de répondre à «près de 20 % des besoins électriques résidentiels des habitants de la Marne», a annoncé le 3 décembre TagEnergy. Leader du secteur dans l’Hexagone, le groupe NW a, de son côté, décidé de multiplier les petites unités dans toute la France. Son patron, Jean-Christophe Kerdelhué, explique l’importance de cette technologie dans l’électrification des usages à venir et le rôle de son réseau de bornes de recharge pour les voitures électriques.
A quoi sert le stockage d’énergies renouvelables à grande échelle ?
Quand vous avez de l’énergie photovoltaïque, c’est entre 10 heures et 14 heures, avec une pointe à midi, que vous allez produire le plus d’électricité, or vous n’avez pas besoin d’allumer la lumière à ce moment-là. Donc comment faire pour consommer à 18 heures l’électricité produite à midi ? Tout simplement avec une batterie, qui va permettre cette flexibilité. Plus il y aura d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, plus vous aurez de contraintes pour gérer la courbe de production, et plus il y aura besoin d’outils de flexibilité. Dans une centrale au fioul, au charbon ou nucléaire, vous appuyez sur un bouton et cela produit de l’électricité. Pas forcément avec du solaire ou de l’éolien, car on ne peut pas prédire à 100 % le soleil ou le vent qu’il y aura.
Le modèle du stockage d’énergies renouvelables est-il encore plus intéressant dans des pays plus décarbonés que la France ?
L’Europe a décidé de décarboner les usages. Or, le stockage d’énergies renouvelables remplace le gaz. L’Italie a, par exemple, un très gros plan de mise en place de stockages dans le but de remplacer des turbines à gaz. En France, le choix stratégique est d’investir dans de nouvelles centrales nucléaires. Mais construire une centrale prend environ vingt ans. Donc, que faire pendant ce temps-là ? Le stockage permet de répondre à cette question. Même dans notre pays, le stockage sera donc indispensable pour cette raison, mais aussi car l’électrification des usages va augmenter les besoins.
Quelle est la spécificité de NW dans tout cet écosystème ?
De très grands projets de stockage sont créés en Californie, au Texas, en Australie, au Royaume-Uni, en Belgique… Chez NW, nous avons fait un choix différent, celui de faire du stockage à 1 MW de puissance au lieu de grosses centrales de 100 MW. Parce que, un jour, je pense qu’on aura besoin de flexibilités locales et nous serons déjà positionnés. Et même si ce n’est pas le cas, avoir 500 «tuyaux», cela peut permettre de vendre 500 services à la fois. Et c’est grâce à ce savoir-faire français que NW se développe à l’international.
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Avez-vous bénéficié de l’effondrement des cours du lithium, présent dans les batteries ?
Le cours du lithium varie, mais NW a des contrats-cadres avec ses fournisseurs de batteries, donc ce n’est pas vraiment là que ça se joue. Surtout que nous installons désormais des batteries de type LFP [lithium, fer, phosphate, ndlr], qui contiennent moins de lithium que la technologie précédente. Mais, surtout, les prix des batteries baissent structurellement, notamment parce que les usines se modernisent.
Vous avez obtenu un nouveau financement de 430 millions d’euros et comptez doubler votre activité l’an prochain…
Comment NW est rentable ? D’une part, avec les gestionnaires de réseau, comme RTE en France ou Fingrid en Finlande ; d’autre part, avec des services d’énergie, comme acheter de l’électricité quand c’est moins cher et la revendre quand elle est plus chère. Mais au-delà de ça, je pense que l’innovation permet de créer de la valeur et de se passer de subventions. Ces dernières sont utiles quand on lance une idée, un peu comme le premier étage d’une fusée, mais si un projet dépend toujours de ce type d’aide, cela peut devenir un problème. En France, tous nos projets sont uniquement marchands, il n’y a pas d’appel d’offres long terme ou de prix garantis.
C’est aussi votre maillage qui vous a permis de développer un réseau de bornes de recharge. Est-il rentable, malgré vos prix parmi les plus bas ?
Oui, et je suis très fier de ça. Je suis juste au-dessus de l’équilibre, même à 25 centimes d’euros le kWh [selon l’Avere, le prix moyen sur courant continu est actuellement de 47 centimes le kWh, ndlr]. Quatre ou cinq de nos stations fonctionnent d’ailleurs beaucoup mieux que ce que nous avions prévu, et nous pensons rajouter des batteries pour avoir encore plus de bornes à ces endroits. Pourquoi cette rentabilité ? Grâce à notre modèle de stockage, le raccordement d’une borne de recharge ne me coûte rien et nous avons conçu nos propres bornes, qui coûtent en moyenne quatre à cinq fois moins cher qu’une autre, alors qu’elles sont construites en France. Et tout ça permet à des clients au «milieu de nulle part» – et je le revendique – d’avoir accès à la borne de recharge la moins chère d’Europe. Nous croyons dans la voiture électrique et c’est bien de protéger la planète, mais il faut aussi préserver le pouvoir d’achat de la population, sinon cela ne marchera pas.