Les 26 et 27 janvier 2024, Libération coconstruit avec les moins de 30 ans Place à demain. Un événement dédié à l’écoute de la jeunesse et ouvert aux débats entre toutes les générations. Une soirée et une journée de rencontres gratuites, au Théâtre du Nord et en partenariat avec la Métropole européenne de Lille, le Théâtre du Nord, la CCI Grand Lille Hauts-de-France, l’université de Lille, la Voix du Nord et BFM Grand Lille. Entrée libre sur inscription.
Ils aiment apprendre, comprendre, se débrouiller, et expérimenter. Quitte à s’envoyer des heures de tutos sur YouTube avant de se lancer dans un projet. Si la période du Covid a fragilisé de très nombreux jeunes – il sera question de leur état de santé comme de leur rapport aux connaissances, le 27 janvier, au cours du débat sur les sciences de Place à demain – le confinement se sera avéré plutôt bénéfique pour Chadi Dutrey, Ayman Morchid et Stefan Staykov.
Tous trois se sont rencontrés à Casablanca, au Maroc, où ils étaient scolarisés dans le même lycée français. «Avec Stefan, on est vraiment passionnés par la mécatronique, les robots, retrace Chadi Dutrey, yeux vifs sous des lunettes à monture transparente. On a récupéré un moteur thermique chez un agriculteur pour fabriquer un kart.» Ensemble, il leur est également arrivé d’équiper un vélo d’un moteur de tronçonneuse. «J’ai commencé à me former sur ces sujets avec des vidéos, les émissions C’est pas sorcier ou On n’est pas que des cobayes par exemple, poursuit Chadi. J’ai construit une voiture en Lego, sur laquelle j’ai mis un moteur, installé une carte pour la télécommander, et ainsi de suite.»
Dans le local de son garage aménagé en atelier, les «petites fusées pour s’amuser» cèdent le pas à des opérations plus ambitieuses. «Ça nous a appris à travailler ensemble», observe Ayman Morchid, «moins farfouilleur» de son propre aveu mais davantage tourné vers les rencontres et le social.
«Plutôt éco-sensibilisés qu’éco-anxieux»
Installés dans la métropole lilloise pour leurs études – ils sont actuellement en troisième année de DUT Gestion des entreprises et des administrations à Villeneuve-d’Ascq – les trois amis ne tardent pas à explorer un nouveau terrain de jeu. «En rangeant un appartement, après une soirée, on a trouvé une puff, raconte Chadi Dutrey en manipulant l’une de ces cigarettes jetables fluo aux faux airs de stylo. Avec une pince, ça s’ouvre facilement. Dedans, il y a un coton imbibé de liquide, une résistance, et une batterie au lithium. Mettre des batteries rechargeables dans des objets jetables, cela nous a immédiatement paru aberrant.» «On est plutôt éco-sensibilisés qu’éco-anxieux, précise Ayman Morchid. En participant activement à trouver des solutions pour l’environnement, on aimerait convaincre d’autres gens qu’ils en sont capables également.»
L’équipe se met à plancher sur une idée pour les recycler. L’opération EchoVolt est amorcée : créer des lieux de collecte pour les puffs en fin de vie, qui seront ramassées avant d’être disséquées, leurs précieuses batteries reconditionnées par lots de quatre dans des sachets thermorétractables revendus à bas prix. Il n’y a plus qu’à convaincre les gérants de bars, tabacs et restaurants de les laisser installer leurs petits paniers près du comptoir. «C’est une bonne initiative», juge Bertrand Degroise, 56 ans. Des puffs, il en écoule beaucoup, au Solfé. «Je préfère qu’elles soient récupérées plutôt que de les retrouver parfois par terre quand je me promène ! Le bac est régulièrement plein.»
«Jamais rester sans rien faire»
«Leur projet est sérieux, réussi, ce n’est pas du vent», apprécie François Cudel, enseignant des trois étudiants à l’IUT. Si c’est avant tout leur soif commune d’expérimentations et leurs convictions environnementales qui les guident, Ayman Morchid, chargé du compte Instagram d’EchoVolt, relaie régulièrement des publications sur les problèmes de santé publique engendrés par ces cigarettes électroniques jetables, qui devraient bientôt être interdites en France – une proposition de loi en ce sens a été votée à l’Assemblée nationale en décembre dernier.
Ce qui devrait naturellement mettre un terme à leur activité, mais les trois compères sont loin de s’en attrister. Et pour cause : ils sont déjà accaparés par une nouvelle idée, baptisée Rest-Ø. Accompagnés d’autres étudiants lillois, ils aimeraient parvenir à proposer une alternative aux repas du Crous, pour le même prix, avec des fruits et légumes «pas forcément beaux mais bons et peu chers» issus des circuits antigaspillages. Un projet qu’ils espèrent voir éclore au printemps.
Tous trois espèrent pouvoir poursuivre leurs cursus dans une école de commerce, avant de créer leur entreprise d’ici quelques années. «On essaie de ne jamais rester sans rien faire, expose Ayman Morchid. Ce qui fait notre force, c’est notre complémentarité. Chez les jeunes, il y a beaucoup plus de potentiel qu’on a tendance à le penser.»