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Climat Libé Tour

«Banlieue» : «Les gens sont surpris de voir qu’on revient dans leur quartier alors que tous les journalistes sont partis»

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Lors de la rencontre «Rends-moi mon image» ce samedi à l’occasion du Climat Libé Tour, artistes, chercheuse et journalistes ont déconstruit les clichés sur les banlieues, notamment médiatiques.
A l'Académie du Climat, samedi 30 mars, durant l'atelier "Rends moi mon image", avec Ramsès Kéfi, Damarice Amao et Mohamed Bourouissa. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
par Fleur Martinho, étudiante journaliste au CFJ
publié le 30 mars 2024 à 19h58

Depuis ses débuts, le Climat Libé Tour, événement tourné vers la jeunesse, associe à chacune de ses étapes une école de journalistes locale (CFJ à Paris, ESJ à Lille ou Dunkerque, Ejcam à Marseille, Ijba à Bordeaux) afin que les étudiants couvrent, avec leurs regards, l’actualité des forums. Reportages, comptes rendus, portraits, photos et édition… Ces articles sont issus de leur travail.

«Les habitants des quartiers populaires défendent leurs quartiers comme s’ils l’avaient construit», assène William Keo, photographe de l’agence Magnum, au Climat Libé Tour ce samedi. Cette deuxième étape de l’année traite d’écologie et des quartiers populaires. Mais ce sont surtout ces derniers qui ont été abordés lors de ce débat, et les représentations des banlieues ont été au cœur de la discussion.

Voitures brisées et enflammées, halls de bâtiments vides, visages en colère… Ces clichés sont ceux qui reflètent le plus souvent les quartiers populaires. «Banlieue, c’est un terme compliqué. Chaque quartier a son identité, «banlieue» est un terme injuste. La mission des journalistes est de trouver les mots qui racontent les singularités de ce quartier», explique Ramsès Kefi, journaliste.

Avec son appareil photo, William Keo, lui, s’attèle à raconter d’autres histoires. «Dans les banlieues, ce sont les histoires d’humains, de personnes qui ne partent pas en vacances, de personnes qui galèrent, de descendants d’immigrés», narre-t-il. Dès 16 ans, le jeune photographe qui grandit à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) s’intéresse à la représentation des banlieues, loin des halls. «Souvent, on y voit du collectif et de l’affection. Ce n’est pas une représentation habituelle. On va dans les quartiers pour des événements qui se reproduisent lors des révoltes urbaines mais on ne fait même plus attention aux petits détails», détaille-t-il. Sur ses photos, des groupes de jeunes souriants, de la joie pendant la Coupe d’Afrique des Nations de football, des enfants.

«Les représentations douces des banlieues sont moins visibles»

«Lorsqu’on aborde la banlieue en France, les représentations sont très sensationnelles et ne dépassent pas la voiture brûlée, les gens qui crient», explique Mohamed Bourouissa, artiste plasticien et photographe. Yeux fermés, barbe de quelques jours, capuche blanche entourant le visage, une photo intitulée «la Capuche» reflète la volonté de l’artiste de montrer les habitants des banlieues sous un nouveau jour. Il ajoute : «Il y a beaucoup plus de joie dans les portraits. Ce portrait pourrait faire l’objet de stéréotypes alors qu’ici, il contient une forme de tendresse, son visage est auréolé de blanc.»

Montrer la réalité, loin des clichés est un «engagement social» que prennent les photographes, estime enfin Damarice Amao, historienne de la photographie. En travaillant sur la longueur, en gagnant la confiance des habitants des quartiers populaires, la réalité des différents quotidiens de ces personnes s’ouvre au photographe. «Les gens sont surpris de voir qu’on revient dans leur quartier alors que tous les journalistes sont partis», résume William Keo. Et de raconter être retourné à Nanterre, quelques mois après le décès de Nahel. Quand les caméras de télé étaient parties.