Comment fournir une alimentation durable et de qualité à toutes et tous ? Enquêtes, portraits, témoignages et reportages... Un dossier réalisé en partenariat avec l’association «Vers un réseau d’achat en commun» à l’occasion de ses 10 ans.
Les quartiers populaires me manquent, et celles et ceux qui y vivent.
Elles surtout, puisque Vrac propose des produits alimentaires, et ce sont plutôt les femmes qui s’y sont intéressées. Il y a dix ans, j’y passais mes journées. C’était une matinée avec Kheira, animatrice du lieu «échange parent» du collège Victor-Schœlcher à la Duchère, ensuite une dégustation en bas d’immeuble avec Marie-Noëlle, Jacqueline et Zaineb aux Noirettes à Vaulx-en-Velin, et puis un atelier cuisine au centre social des Minguettes à Vénissieux avec Nadia et Eliette. Mes journées étaient rythmées par les rencontres dans ces banlieues que je ne connaissais pas, moi qui ai grandi dans un petit village ouvrier du Pas-de-Calais.
Ces femmes m’ont ouvert les portes du quartier, m’ont fait confiance et ont permis au projet Vrac d’être bien accueilli. Nous avons multiplié les dégustations afin de convaincre par le goût, et ensuite par le prix, huile d’olive, farine, légumineux, céréales, compotes et jus de fruits, c’est une centaine de références de produits biologiques qui sont revendus au prix d’achat.
Contrairement aux préjugés tenaces, celles et ceux qui vivent dans un quartier populaire ont comme ailleurs la volonté de bien se nourrir, l’envie de s’inscrire dans une démarche écologique et citoyenne. Ce n’est pas leur choix que de ne pouvoir s’offrir que des produits premiers prix, du sirop de glucose plutôt que du miel. Quand on vit dans ces quartiers, on est victimes d’une double peine : à la fois le manque de moyen et aussi le manque d’offre commerciale pour acheter de quoi bien se nourrir.
Alors, les habitantes de ces quartiers, mais aussi les habitants, se sont vite emparés de Vrac, et ont participé activement au développement de ces groupements d’achat, à l’organisation de ces épiceries éphémères où l’on passe des heures à discuter en pesant farine et pois cassés, en transvasant des centaines de litres d’huile d’olive ou en découpant des meules entières de Comté.
Et puis il y avait des visites à la campagne à la rencontre de nos producteurs, des concours de cuisines, des livres de recettes, des expositions, la création de Vrac Universités, de Maison Popote, de la Caisse alimentaire commune, de la Mesa, des projets qui se succèdent depuis plusieurs années avec cette même détermination à œuvrer ensemble pour plus de justice sociale et environnementale.
Parti de rien voilà dix ans, Vrac compte désormais 18 associations en France et en Belgique, 90 groupements d’achats, 60 salariés, près de 17 000 personnes ont été embarquées dans cette aventure.
Aujourd’hui mon métier a évolué, il est plus politique, plus prospectif, toujours passionnant, mais les quartiers populaires me manquent, et surtout celles et ceux qui y vivent…